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    La sortie en ville.

    Presque tous les villages avaient au moins une boulangerie, une épicerie et un café, parfois les trois commerces étaient réunis en un seul lieu. Pour l’habillement, les chaussures, mais également les objets ménagers et le mobilier, les ruraux se rendaient dans la ville la plus proche pour faire leurs achats.

    C’était un événement, la mère de famille, les enfants qu’il fallait rhabiller et parfois le père prenait le car le matin. Arrivés en ville, ils se rendaient dans la rue commerçante et arpentaient les trottoirs. Ils étaient reconnaissables, parlant fort et portant de grands cabas. Ils avaient leurs boutiques préférées, les commerçants les reconnaissaient et en profitaient pour écouler des stocks démodés. Pour l’habillement et les chaussures, les critères retenus étaient la solidité et le prix. A midi, ils s’installaient dans un café et tiraient le repas du sac, là aussi ils se faisaient remarquer.

    En attendant le car, ils baguenaudaient dans les rues sous le regard moqueur des citadins pâlichons. Parfois, deux groupes de villageois se rencontraient et des éclats de voix résonnaient.  

     


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  • Les jours passent sans aucune nouvelle; puis, enfin, je reçois un appel de la brigade d'Auvigny. - Je vous attendais, je pensais recevoir votre visite, vous avez abandonné notre canton, j'avais quelques petites informations à vous communiquer. - Je vous écoute. - Tout d'abord, mais je pense que allez être averti par vos amis de Morigny, un puits va être dégagé, je n'ai pas besoin de vous donner d'explications, nous savons que vous êtes dans le coup, vous ne pouvez que souhaiter une réussite à cette entreprise au résultat très aléatoire, autrement, nous avons des nouvelles de la personne blessée lors des bagarres, vous savez le géologue. - Géomètre vous voulez dire? - J'ai bien dit géologue, des forages sont prévus sur le site de l’ancienne usine et les gars sur place ce jour-là n'étaient pas du tout des géomètres, un petit mensonge qui ne plaît pas du tout à mon supérieur, d'autant plus que la pierre devait être un grain de sable car le visage de ce monsieur ne présente aucune trace visible, le docteur Marlin va être surveillé attentivement, ce n'est peut-être pas la première combine, nous avons quelques curieuses affaires à ramener à la surface, s'il vous plaît, ce dernier tuyau, à ne pas diffuser pour le moment, l’effet de surprise. - Et Desbois? - Vous y tenez, il n'est pas à la clinique des "Bouleaux" lui, et les rapports des spécialistes de l’hôpital sont fiables... il faut éviter de le bousculer, ce monsieur est fragile, voici les dernières consignes. - Salvati et son agresseur? - Le scieur va bien, il garde sa femme, magnanime cet homme, il n'accable pas son ex-ami et estime que ce n’est pas lui qui le guettait au coin du bois.. - Je vous remercie, je passerais dès que possible, puisque je vous manque. - A bientôt au pied du ... "Légionnaire" Bonnes nouvelles, comme Cavalier l'avait prévu, Jean-François me confirme que les travaux sont programmés. - Compliqué, il a fallu batailler ferme pour avoir gain de cause, et puis un petit miracle, un autre témoin s'est manifesté entre temps et a contacté les gendarmes, à jeudi, croisons les doigts. Cela m'aurait étonné que mes amis de la maréchaussée me dévoilent tout, ils gardent toujours des infos en réserve. Benoît, que je sollicite, n'est pas très chaud pour cette expédition. - Ton radié.. machin, je n'y crois absolument pas, des charlatans ces gars. Il me confie un appareil. - Le plus simple, t'appuie, ça avance tout seul, réglage automatique, si tu rates les photos avec cet appareil, c’est que tu es nul. Morigny est en ébullition, malgré le peu de publicité, le bouche à oreille a bien fonctionné; un engin est déjà en position, les fleurs ont été dégagées; le maire est présent, il me jette un regard goguenard, l'adjudant et les deux gendarmes se sont placés un peu à l'écart. Malaisé de sortir les blocs de rocher du puits, inlassablement, le bras de la grue plonge dans le trou et remonte un mélange de terre, cailloux, rochers, quelques détritus aussi; les spectateurs ne sont pas avares de commentaires. Cette opération a reçu l'agrément des autorités, grâce au témoignage d'une voisine qui, comme l'autre grand père, affirme avoir entendu du bruit en pleine nuit; elle dit avoir distingué deux véhicules et aperçu des formes courir vers le puits. J'ai rarement été aussi nerveux, je tourne autour du chantier, évalue le tas de gravats sorti, Jean-François est dans le même état. Incroyable, le tas monte et le godet n'est encore pas au fond. - Le coordinateur des travaux hurle au grutier de stopper à trois mètres quatre vingt; fortiche le gars, au bout d'une bonne heure de pelletées, il arrête son engin; une échelle en fer est descendue, le contremaître descend un tuyau de caoutchouc et le branche sur une petite pompe. Je m'approche, intrigué. - Pour déceler éventuellement la présence de gaz, très dangereux dans les puits.... c'est bon, rien, ce puits doit être aéré plus loin, un petit courant d'air au fond. Un ouvrier harnaché descend muni d'une sorte de lampe de mineur. Il remonte assez rapidement. - Il reste encore deux bons godets de remblai à sortir. L'engin remet ça et l'homme redescend. Les gendarmes se sont approchés, un silence plane sur tout ce monde rassemblé autour de la margelle éventrée. Interrogations lorsque la tête du gars réapparaît. - Un mètre de flotte, à peine, mais elle est froide, drôlement froide, autrement je ne vois rien. La déception gagne l'assistance, je m'éloigne un peu, je sens le regard du maire mais aussi celui des gendarmes et des autres, je vais me faire lapider... moralement... que je suis bête de m'être laissé embarqué dans cette aventure idiote. - Attendez les gars, ce puits n'est pas comme les autres. L'ancien maire que j'avais évité se dirige vers le responsable, canne pointée. - Au fond, c'est comme un courant souterrain, c'est pour ça que l'eau est glacée, c'est un ruisseau qui coule dessous, faut regarder en aval, dans le déversoir. Les intéressés semblent sceptiques; je reviens vers le groupe, encore un faible espoir. - Bon, je replonge mais il fait m'envoyer un seau et une pelle. - Tu te crois à la plage. L'homme disparaît à nouveau, suivi d'un seau accroché à une corde, une pelle à manche court suit le même chemin; nouveau silence, un grattement sourd monte du trou, un premier seau de gravier et de sable remonte, l'eau dégouline, puis un deuxième, le troisième est vidé sur le tas... tous les curieux avancent d'un mètre... une chaussure de femme...Rumeur, mouvements divers. - Pas d'affolement, cette chaussure est peut-être unique et seule, pas de pied au bout. Toujours aussi spirituel le chef. Il n'a pas tort, le trou béant pendant des années devait attirer les déchets et les laissés pour compte. Seulement, à voir la tronche du puisatier quand il émerge, tenant une autre chaussure à la main, la théorie du militaire ne tient plus. - Une jambe.... une jambe qui dépasse, regardez, une autre chaussure. L'adjudant fonce vers son véhicule, un murmure monte de la masse des badauds, mon regard va d'un escarpin à l'autre, j'ai le cœur qui cogne comme jamais. Les gendarmes repoussent les villageois, certains sont partis claironner la nouvelle dans toutes les rues, Jean-François court prévenir sa tante; je commence à prendre des photos, j'aurais bien aimé que Benoît soit là, je tremble comme une feuille en essayant de cadrer au mieux la chaussure émergeant du tas de sable; je mitraille le visage hébété du découvreur, la scène dans son intégralité; que va-t-il se passer maintenant? je vais être incapable de rester lors de la remontée du cadavre; dans quel état est-il? Cette femme je ne l'ai pas connue mais j'en ai tellement entendu parler! car je suis persuadé que c'est bien elle qui gît encore à quatre mètres sous terre, c'est bien elle que des pourris ont supprimée pour des raisons crapuleuses. La dernière partie de l'opération est délicate, nous attendons l'arrivée du capitaine de la gendarmerie ainsi que celle d'une équipe de spécialistes. - Une bonne demi heure avant leur arrivée, alors monsieur Passy, soulagé? si c'est bien elle... enfin si ce n'était pas le cas, une autre énigme en perspective, et pas de précipitation, le suicide est encore plausible. - Elle se jette dans ce puits et va garer sa voiture à Châlons. - La voiture abandonnée dans les parages, les clés présentes, un voleur passe et profite de la situation, nous avons déjà eu de tels cas. Le chef a réponse à tout. Je voulais téléphoner un premier papier, je préfère attendre une confirmation. Un homme passe à côté de nous sans nous saluer, rase le tas de sable pour lequel il n'a pas un regard, file vers les géraniums qui commencent à pâmer au soleil et hausse les épaules. - Ah celui-là et ses fleurs, un vrai fada, il devrait être en retraite, il continue à travailler à mi-temps pour la commune, c’est lui l’inventeur des décorations florales, vous allez voir, il va récupérer les plantes. L'attente se prolonge, tante Simone et Jean-François apportent des rafraîchissements pour les gendarmes et les ouvriers. Le maire s’est écarté du groupe et il est en grande conversation avec quelques hommes.


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  • Les confitures

    Les confitures.

    Chaque foyer possède un jardin potager suffisamment grand pour contenir quelques arbres fruitiers. A part le cerisier, le mirabellier et le pommier, le quetschier est présent, son fruit oblong et bleu est excellent en tarte mais surtout en confiture. Les fruits lavés, dénoyautés et additionnés de sucre sont cuits dans une bassine qui ne sert que pour la confiture, la cuisinière surveille la cuisson, écume régulièrement. Les pots sont ébouillantés, des pots en verre que l’on retrouve chaque année. Quand la cuisson est suffisante, la confiture est versée délicatement. Les pots sont remplis jusqu’au bord, bouchés et retournés le temps du refroidissement. Ne pas oublier de coller les étiquettes, afin de savoir de quelle année date la confiture. Elle se garde plusieurs années et il faut toujours prévoir une année de disette, en manquer serait désagréable et celle du commerce est loin d’être aussi bonne.


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  • - Un radiesthésiste? j'en connais un, je n'ai pas son adresse, il a déménagé mais Lucie doit l'avoir, elle m'a avoué qu'elle avait appel à lui pour retrouver Anne, elle m'avait demandé de garder le secret, peur de passer pour une folle, pourquoi vous avez du nouveau?

    Je monte au château, cette idée de radiesthésiste m'est venue hier soir, avant de m'endormir, je me souvenais d'un  qui, avec son pendule, avait retrouvé le corps d'un gosse disparu dans une forêt, je ne croyais pas du tout à ce genre de sornettes mais, depuis ce jour-là, je me dis que peut-être?

    - Monsieur Jacquet ? j'ai son numéro de téléphone, je l'avais effectivement contacté, en désespoir de cause, il avait promené son pendule sur une carte de la région, m'avait dit qu'elle n'était pas bien loin, qu'il ne l'a sentait ni dans la région de Châlons ni dans la vallée de la Marne  en aval,  il avait repris une carte du canton et soutenait qu'elle ne pouvait pas être ailleurs que dans un secteur proche.... il avait ajouté qu'elle ... n'était plus vivante. Vous avez une autre piste? à quoi pensez-vous?

    - Ce doit être le même homme que j'avais vu oeuvrer dans la forêt de Mouilley,  Jacquet, il est âgé?

    - Dans les soixante quinze ans environ, c'est un ancien vétérinaire, il habitait Avigny.

    Je montre le mot énigmatique.

    - Oh! mon dieu, ce serait possible, mais dans lequel? il en existait quatre ou cinq ici, ils ont été comblés, vous avez raison, il nous fait l'aide de ce monsieur, je le contacte de suite.

     

    Monsieur Jacquet semble heureux de mettre sa science à notre service, je me propose d'aller le prendre chez lui mais il décline poliment, arguant qu'il peut toujours conduire. Nous fixons un rendez-vous.

    - Dans un puits dîtes-vous, c'est parfait, les ondes se transmettent nettement mieux  dans un milieu aquatique, seul problème, le délai un peu long, plus de six mois, tout dépend.

    Le grand bonhomme sec et droit déballe son petit matériel, je me demande si une recherche avec de tels moyens est vraiment valable, si mon idée n'est pas saugrenue, enfin, trop tard.

    Nous commençons par le puits du bas, en essayant d'être discrets, difficile dans le village, les gens guettent derrière leurs carreaux, je vois quelques rideaux bouger dans les maisons voisines.

    - Non, aucune réaction dans celui-ci.

    Nous continuons par celui du" Vert-luisant" sans plus de réussite. Pourquoi ce nom curieux?

    Nous sommes autour du quatrième, celui dit du "Légionnaire" et monsieur Jacquet semble sentir des ondes, il tourne, recule, se place au-dessus.

    - Il y a un courant d'eau là-dessous, c'est certain et il est contrarié par une sorte de bouchon, cela pourrait bien être le corps d'un être humain.

    Notre manège n'est pas passé inaperçu, un couple de voisins s'approche; c'est la femme qui s'adresse à nous.

    - Qu'est ce que vous cherchez donc? Il a été bouché, comme les autres.

    - Quelle profondeur ce puits?

    - Quatre mètres jusqu'à la surface pas plus, le niveau ne montait jamais dans celui-ci, mais l'eau n'était plus potable depuis longtemps, juste pour abreuver les animaux, et encore, les chevaux  renâclaient

    L'homme vient de prendre la parole à son tour.

    - Je parie que vous pensez que la fille Parély est au fond... ce serait bien possible!

    - Pourquoi ce serait possible?

    - Comme ça.

    L'ancien semble savoir quelque chose de plus, ses sous-entendus, son air un peu suffisant. Je le prends un peu à l'écart, son épouse n'a pas l'air d'apprécier.

    - Vous qui habitez à proximité, avez-vous entendu ou vu des choses inhabituelles?

    - Ben, c'est-à-dire que p't'être.

    Je connais la technique avec ce genre de personne, ne pas brusquer, flatter un peu, pas trop,  considérer; après quelques grognements l’homme se libère enfin.

    - Dans le moment où la fille Parély est disparu, une nuit, j'ai entendu un bruit de voiture, des voix, le temps que je me lève pour voir ce qui se passait, plus personne, et puis il pleuvait comme vache qui pisse.

    - Quel jour?

    - J'sais plus, j'vous dis dans les jours-là.

    - Ce n'est pas habituel, une voiture en pleine nuit?

    - En été, ça peut arriver à la rigueur, un samedi, mais là, non pas habituel comme vous dîtes.

     

    Monsieur Jacquet est sûr de son pronostic.

    - Les trois autres, je ne sentais rien, par contre ici, c'est net.

    Je propose de continuer le tour. Il n'en reste plus qu'un puisque celui du Bavolet est comblé depuis plus de trente ans.

    Nous arrivons au dernier, celui du haut, le  profond.

    -Ah, voilà que ça remarche ici aussi.

    - Encore un autre cadavre?

    - Qui sait, c'est pareil, même sensation, mais effectivement plus profond.

    Nous nous demandons comment faire pour obtenir le déblaiement du puits du "Légionnaire", il est préférable de commencer par lui, encore plus de travail avec l'autre.

    Madame Parély est fermement décidée à faire dégager les gravats; Monsieur Maillet, le voisin du puits est d'accord pour témoigner afin d'appuyer notre demande, je le soupçonne de s'ennuyer et de voir dans cette action, un spectacle gratuit.

     Je ne participe pas aux démarches, Jean-François me comprend et il contacte la gendarmerie et la municipalité.

     

     


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  • La fête patronale

    Le saint patron, ou la sainte patronne, ce qui est plus rare, sont dignement fêtés dans les villages.

    La messe solennelle est suivie par les paroissiens et les invités, parents et amis venant des villages voisins. Le déjeuner est fastueux, la volaille est à l’honneur dans les plats, comme pour les mariages et les communions, on élève des coqs, des dindons et autres pintades pour ce jour festif.

    Quelques attractions foraines se sont installées sur la place principale, manège pour enfants, tir à la carabine, confiserie et loterie. Les porte-monnaie s’ouvrent, même les plus hermétiques, les tours de manège sont courts.

    Le déjeuner se prolonge, alors que les jeunes vont aux vêpres avant d’aller à la fête foraine, les adultes restent à table jusqu’à l’heure de la traite des vaches. Le soir, les restes de midi sont servis, puis à part les anciens, et encore, pas tous, les convives vont au bal.

    L’orchestre est souvent composé d’un accordéoniste et d’un batteur, ce ne sont pas des musiciens de talent, mais quelle importance, pourvu qu’ils jouent des airs entraînants. Les jeunes du village et ceux des alentours, mais également des moins jeunes se pressent sur la piste, dans le bruit et la fumée. Les demoiselles sont surveillées par les mères ou les tantes mais elles arrivent à déjouer cette surveillance et quelques baisers langoureux sont échangés dans un endroit de la salle moins éclairé.

    Les jeunes garçons sont admis, ils sont là pour faire les fous, slalomant entre les couples.  Parfois, des bagarres éclatent, les protagonistes sont poussés vers la sortie et la danse reprend ses droits.


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