• Mon copain Hervé, employé dans une boîte de produits chimiques et à qui j’avais confié la bouteille d’eau pour une analyse m'invite à venir récupérer le résultat.

    - Où tu as puisé cette flotte?

    - Pourquoi tu lui trouves des qualités ou des défauts?

    - Les deux, enfin beaucoup plus de qualités que de défauts.

    - Explique-toi, est-ce une eau miraculeuse?

    - Toutes les eaux ont diverses propriétés bénéfiques suivant les sujets, celle-là serait à conseiller aux personnes âgées, aux enfants aussi, pas tellement aux sportifs, du moins c’est mon avis.

    - J'ai entendu parler de la présence de fluor?

    - Oui, les fluorures sont présents, pas en excès, je vais te donner un relevé complet d'analyse.

    - Je n'y connais absolument rien, tes chiffres sont du Chinois pour un ignare tel que moi, dis-moi ce que cette eau a de particulier.

    - En plus des fluorures, le calcium est bien représenté, le magnésium raisonnable, le potassium aussi, tous ces éléments sont dans une bonne moyenne; par contre le sodium est faible, un avantage pour les personnes sujettes à l'hypertension, un peu ferrugineuse, voilà pour l'essentiel des  minéraux. Autrement, bicarbonates un peu faiblards, sulfates un peu au-dessus de la moyenne, d'ou la couleur un peu trouble, chlorures OK.

    - Tu me parlais de défauts?

    - Oui, comme beaucoup d'eau actuellement, une charge anormale en nitrates  mais tu m'as parlé de source, c'est logique, pour éviter cet apport néfaste, il faudrait puiser l'eau au plus profond de la nappe.

    - Et les autres éléments seraient modifiés.

    - Non pas vraiment, à part les nitrates qui proviennent des apports de certains engrais; une réglementation pour la réduction de ces nuisances vient de voir le jour, mais l'application demandera des mois, voire des années.

    - Bon, tu me confirmes que, puisée à une certaine profondeur, cette eau pourrait être commercialisée.

    - Je pense que oui, avant, elle devrait passer par différentes analyses officielles  mais dis-moi, tu veux te reconvertir dans la flotte, remarque l'exploitation d’une source minérale doit être d'un excellent rapport, si tu as besoin d'un bon chimiste, enfin d'un  chimiste tout court, pense à moi.

    - Tu n'es pas bien ici?

    - Si, mais j'ai peur d'une crise sur les produits que nous fabriquons, après des années d'euphorie, les ventes se tassent.

    - Je pense à autre chose, parmi tes connaissances, tu n'as pas un géologue?

    - Tu veux déjà constituer une équipe opérationnelle? j'ai un ami de fac dans ce domaine, il travaillait pour une compagnie pétrolière, je crois qu'il a changé de job, j'essaye de le contacter, je t'appelle.

     

    Je contacte le notaire, ma faisant passer pour un client éventuel de la maison à vendre à Morigny, je  sens une certaine méfiance chez cet homme de loi, je me demande si mon stratagème n'est pas éventé; il me pose des questions presque indiscrètes sur mes possibilités financières, sur mes emprunts en cours, j'ai un mouvement d'humeur, je voudrais voir la maison avant tout et je souhaite qu'il me là présente, je dois me contenter de monsieur Simon, le clerc.

    - J’attends quelqu’un vous comprenez.

    Avant de pénétrer dans le jardin, je fais semblant d'examiner le mur immense qui borde la rue.

    - J'ai entendu dire que vous aviez un autre acheteur, un client qui s'intéresse particulièrement à Morigny, qui est prêt à acheter les ruines, celui qui vient d'acquérir le grand terrain situé au-dessus de la fontaine je suppose?

    Le clerc ne se démonte pas.

    - Je ne peux répondre à votre question? vous n'ignorez pas que nous sommes tenus à autant de discrétion qu'un docteur, enfin presque.

    Je fais le tour de la propriété sans montrer un grand enthousiasme, elle ne le mérite pas; à part l'entrée, le jardin, l'escalier de pierres, l'intérieur est sombre, très humide, lugubre même. J'écoute d'une oreille distraite les panégyriques commerciaux de monsieur Simon.

    De retour à l'étude, je demande à voir le notaire, je ne vais pas me gêner pour lui parler de la reconnaissance de dette, j'ai le feu vert de madame Parély qui malgré une lettre recommandée n'a toujours pas obtenu satisfaction; pas de chance, ce cher notaire vient de quitter son étude, nul ne sait qu'en il reviendra!

     


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  • L’orage

    « Le temps est à l’orage ! » Cette prévision déclamée par un ancien était toujours confirmée. Les hommes étaient en sueur mais également les chevaux qui, en plus étaient harcelés par les taons.

    Les gros nuages noirs à l’horizon, quelques roulements de tonnerre lointains, par prudence, il fallait abandonner les travaux en cours dans les champs et rentrer à la ferme.

    Dans les campagnes, quand un orage éclate, on sait qu’il fait éviter de s’abriter sous un arbre, surtout sous un arbre isolé, ne pas tenir une fourche pointes en l’air et, pour les enfants, ne pas courir. Malgré cela quelques accidents se produisent, parfois mortels.   


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  • - Ce Vincent Desbois est promoteur immobilier je crois?

    - Oui, je travaille de temps en temps pour lui, juste le minimum, il paye, mais il ne faut pas être pressé, il vend les appartements sur plans, encaisse des gros acomptes, place le fric avant de régler les fournisseurs, un sacré malin, son bureau principal est à Mareilles, vous devez l'avoir remarqué, une devanture luxueuse, il a une annexe ici, en plein centre du bourg, ses affaires marchent bien, je ne comprends pas qu'il ait trafiqué le chiffre, cent mille francs,  c'est de la gnognote pour lui.

    - Et son argument pour séduire Anne, c'est plausible?

    - C'est tout à fait son style, il peut avoir presque toutes les femmes qu'il désire, avec des cadeaux, c'est assez facile mais il veut surtout s'attaquer à des citadelles, à des filles qui lui résistent, je suppose qu'il avait tout essayé pour arriver à ses fins seulement, il est rusé, cette femme ne se serait pas donné pour de l'argent, par contre pour une question d'honneur?

    - Vous connaissiez un peu mademoiselle Parély?

    - Et comment, elle militait pour différentes causes quand elle était encore à Morigny, nous nous retrouvions souvent dans des réunions, une  femme active, dynamique et... pas vilaine du tout.

    - Elle avait un homme dans sa vie?

    - Alors là cher monsieur, mystère, je suppose qu'un tel châssis ne restait pas sur le bord de la route, je ne faisais pas partie de son cercle d'amis intimes... Que comptez-vous faire à présent, vous avez entendu mon camarade Pierre, lui c'est certain, n'est pas dans ce coup fourré.

    Je commence à y voir plus clair, si Anne a été réellement assassinée c’est  qu'elle approchait du but, je ne pense pas que les seuls cent mille francs l'ont condamnée, le projet de commercialisation de l'eau a peut-être fait pencher la balance, l'escroquerie découverte,  l'acte de vente devenait caduque, adieu les bénéfices énormes, je sais que ce genre d'exploitation est juteuse. Quel rôle a joué Vincent Desbois? Avait-il un autre motif que celui invoqué pour acheter le billet, il faut que j'approche ce promoteur, seulement, je ne peux pas l'aborder de front, et le notaire,  était-il au courant de la falsification du billet?

    Je fais un crochet par Morigny, les villageois me connaissent tous à présent, je suis salué à chaque coin de rue, ça y est, j'ai trouvé un alibi pour rencontrer le notaire, un panneau est apposé sur le mur de l'ancien presbytère, je vais me faire passer pour un acheteur éventuel, plausible, en plus, j'ai un motif valable pour m'intéresser à cette maison.

    Madame Louyot tricote, Jean-François est en ville, nous bavardons et abordons divers sujets,  elle me parle des ennuis conjugaux de son neveu, elle ne m'apprend rien en disant qu'elle soupçonne Adeline d'être infidèle.

    - J'ai bien peur que cela ne se termine par une séparation, en Afrique, ils vivaient en vase clos, depuis leur retour il y a de l'eau dans le gaz.

    En parlant d'eau, je demande une bouteille vide à Simone, je vais également prélever quelques gouttes à la fontaine, pas pour être éternel, pour la faire analyser.

    - Que faîtes vous le 15 Août?

    - Rien de spécial, je ne sais pas encore?

    - Eh bien si, vous allez le savoir, je vous invite à déjeuner, avec votre dame, Lucie et Sophie seront de la fête.

    Je suis bien embarrassé pour descendre vers la source, quel côté dois-je emprunter, sans être véritablement  athée, difficile de me classer parmi les croyants,  les anciens auraient dû prévoir un escalier central.

    Impossible d'éviter monsieur Basile, véritable concierge de la fontaine

    - Vous voulez vivre vieux? attention, n'en buvez pas trop, elle est un peu indigeste; alors, vous avez vu, les travaux commencent là-haut, ils construisent une route d'accès, les gens n'osent plus protester, dans quelques mois, plus d'eau au tuyau.

    C'est ce que je pensais, cette histoire de blessé ressemble à un coup monté, une simple  égratignure a été montée en épingle pour culpabiliser les habitants et les décourager à manifester.

    Je contourne le plateau pour constater qu'effectivement, un chemin existant a été élargi et remis en état.

     

    Surprise agréable, monsieur Magien est heureux pour une fois, mon vieux lecteur de Morigny n'est pas une exception, une dame qui approche allègrement les cent ans d’existence détient un premier numéro de notre canard, celui du Jeudi 2 janvier 1919; le plus amusant c'est que cette centenaire vivant chez sa petite-fille, habite à deux pas de notre nouvelle installation. D'autres manifestations de sympathie  arrivent à la rédaction, le concours connaît un vif succès; pour ne pas faillir à la tradition, le boss revendique la paternité absolue de cette opération et personne n'en doute, le bâtonnier que je rencontre à l’issue d’un procès ne tarit pas d'éloges en me faisant remarquer que nous avons de la chance d'avoir un tel chef.

     


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  • Je reviens sur mes pas

    Je reviens sur mes pas

     

    Je reviens sur mes pas, après bien des années,

    Sur les traces des miens aujourd’hui disparus,

    J’ai laissé un instant les courses effrénées,

    Pour fouler à nouveau les chemins parcourus.

     

    Elles sont toujours là, les rues de ma jeunesse,

    Les fermes, les maisons, rien n’a vraiment changé,

    Je revois mon passé, c’est comme une caresse,

    Mon souvenir est là parfaitement rangé.

     

    Je sens à chaque endroit la réelle présence,

    De ceux qui ont marqué de ma vie un moment,

    J’ai pour eux à jamais de la reconnaissance,

    Ils restent dans mon cœur l’invisible froment.

     

     


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  • Les mois d’été

    La vie rurale était intense en été, personne ne partait en vacances, après les durs travaux de la fenaison, c’était le temps de la moisson, quand le temps était propice c’était moins pénible que la fenaison mais, comme trop souvent, les orages venaient perturber le séchage des gerbes dans les champs.

    Pour les non-agriculteurs tous possesseurs de jardins potagers, le travail ne manquait pas non plus, la récolte des haricots et le ramassage des fruits mobilisaient les jeunes, venait ensuite l’arrachage des pommes de terre.

    Le village était encore plus animé que d’habitude, avec les allées et venues des chariots mais également en raison de la présence de nombreux enfants citadins venus en villégiature chez les grands-parents.

    Maintenant comme dans les villes, on remarque durant juillet et août, beaucoup de volets fermés.


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