• L’assomption

    Le 15 août, c’est la fête de la Vierge Marie, cette fête religieuse était célébrée avec faste. Dans de nombreux villages, une procession se déroulait dans les rues, quelques hommes solides portaient une statue de la Vierge, suivant le prêtre abrité par un dais et précédant les paroissiens. Entourant la statue, marchaient des fillettes vêtues de blanc et portant des petits paniers contenant des pétales de roses qu’elles jetaient de temps en temps. Les rues étaient décorées de fleurs, parfois de rosaces et, dans plusieurs quartiers, étaient installés des reposoirs, édifices provisoires magnifiquement décorés et fleuris. La procession marquait un temps d’arrêt à chaque reposoir, des prières étaient récitées, des cantiques étaient chantés.  

     


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  • Je me demande quelle va être la réaction de Gino Mathieu, personnellement je suis ennuyé, cela aurait pu être pire, irrémédiable, nous avions peur que Pierre Salvati ne règle son contentieux de façon violente, et c’est lui la victime d'une tentative d'assassinat, quelle chance inouïe pour lui et par ricochet pour Gino et moi, je fonce à la gendarmerie d'Avigny pour recueillir les dernières informations.

    - Vous êtes en avance, nous préparons un compte-rendu pour la presse, je peux simplement vous dire que monsieur Salvati est hors de danger, il est encore à l'hôpital de Mareilles, choqué psychologiquement, il a bénéficié d'un concours de circonstances que nous pouvons qualifier de miraculeux.

    L'adjudant  Cavalier m'explique que l'industriel était dans les bois et qu’au moment de reprendre son véhicule, il a reçu une balle de carabine en pleine poitrine, coup de chance, il venait de faire un relevé de grumes et avait glissé le listing et son support métallique dans son blouson; protection providentielle, il a foncé dans sa voiture avant qu'un second coup de feu éclate, il n'a pas eu la possibilité de voir son agresseur qui devait être caché derrière un arbre.

    - Vous aurez les détails techniques dans le rapport, le capitaine Henry est chargé de l'enquête, pour le moment nous pensons à une vengeance, celle d'un ouvrier licencié, ou à  une rivalité professionnelle.

    Il m'est difficile de dévoiler directement ce que je suppose, si cette agression est liée à l'affaire de Morigny, la détermination des assassins est grande et d'autres personnes sont en danger, je pense aux frères Mathieu.

    - Monsieur Salvati ne vous a pas donné d'indications concernant son agresseur? Se sentait-il menacé? dans son entourage, parmi ses amis?

    - Vous n'auriez pas une petite idée derrière la tête ou un renseignement important? si vous savez quelque chose, soyez assez aimable pour nous en informer, la vie d'autres personnes est probablement en jeu.

    Le militaire a raison et je ne peux garder plus longtemps ce que je sais, je résume l’affaire de la reconnaissance de dette, les soupçons des frères Mathieu et de Pierre Salvati.

    - Merci de votre collaboration, effectivement, nous avons quelques indications dans ce sens, nous assurons une protection autour de certains témoins capitaux, nous interrogeons un suspect, nous soupçonnons des complicités, vous comprenez, l'enquête débute et nous ne pouvons tout dévoiler.

    Je me doutais que l'aîné des Mathieu cherchait à me contacter, je parviens à le joindre dans sa voiture.

    - J'arrive juste devant chez moi, j'ai appelé à votre bureau, comment se fait-il que vous n'ayez pas encore le téléphone dans la bagnole, c'est indispensable de nos jours?

    Je suis d'accord, quoique je ne pousse pas trop dans cette direction, arme à double tranchant, fini la liberté, nous y arrivons un jour, c'est inéluctable et puis les prix ont sérieusement fondus, c'était l'obstacle naturel pour monsieur le PDG.

    - Je suis sous surveillance de la gendarmerie, enfin discrètement, j’ai parlé de cette affaire de falsification,  à votre avis, qui a vendu la mèche, pas moi et  vous encore moins, je suppose, une écoute téléphonique? J'ai fais contrôler mes appareils, rien.

    - Nous étions bien seuls chez vous, vos employés ne peuvent capter les conversations, un standard, un autre appareil?

    - Non, impossible, j’ai un système protégé, le contraire oui.

    - Alors à l'autre bout? et le toubib?

    - Pas Maurice, reste des fuites possibles chez Pierrot, son installation téléphonique est archaïque, chacun peut écouter le voisin, sa secrétaire, son contremaître à la scierie, sa femme, à mon avis c'est de là que proviennent les fuites.

     

    J'ai pris contact avec le commissariat central de Châlons-sur-Marne, je dois passer à Morigny prendre une procuration signée par madame Parély qui finalement accepte que la voiture soit rapatriée dans le secteur, Jean-François m'accompagne pour ramener la Clio chez un garagiste d'Avigny.

    Je passe à la gendarmerie, récolter d'éventuels renseignements complémentaires, le compte-rendu fournit à la presse par le capitaine est plus que succinct, cette discrétion sent le gros poisson.

    Le" blessé’ se porte comme un charme, normal pour un homme des bois, il n'en est pas de même de l'autre Desbois, le vrai, Vincent, hospitalisé après une crise cardiaque, les soupçons se sont dirigés vers lui à grandes enjambées, les gendarmes, hommes de terrain, eux, ont appris que, contrairement à ce que pensait Gino, madame Salvati entretenait encore des relations coupables avec le promoteur, épisodiques certes mais néanmoins suffisantes pour que Vincent Desbois soit averti du danger qui le menaçait, peur réelle pour sa vie, peur de découvertes frauduleuses, le promoteur n'est pas en mesure de répondre aux questions. Je suggère à la gendarmerie de parler de la somme inscrite sur la reconnaissance de dette à ce monsieur dès qu'il se réveillera et de réclamer le fameux billet au détenteur actuel, maître Cochet.

    - Délicat, le notaire a le bras long, il nous faudrait quelques preuves supplémentaires, je vais en parler à ma hiérarchie.

     

    - Vous êtes notre sauveur, Jean-François a eu une excellente idée de vous contacter, avec cette tentative d’assassinat, les bandits se sont trahis.

    Simone Louyot s’enflamme un peu vite, j’apporte un bémol à sa fougue.

    - Le coup de feu est peut-être étranger à notre affaire.

    - M’étonnerait, attendez la suite.

     


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  • Le glanage

    Le glanage

    Quand la moisson est finie, et avant le déchaumage, quelques personnes du village aux faibles revenus viennent glaner dans les éteules de blé. Souvent des femmes et des enfants qui ramassent les épis qui se sont échappé des gerbes. Cette pratique est admise par l’agriculteur, les épis récoltés sont égrenés à la main, le grain récupéré sert à l’alimentation de la volaille.

    Il arrive que certains glaneurs n’attendent pas le ramassage des tas et viennent prélever des épis sur les gerbes, si l’agriculteur les surprend, ils sont par la suite interdits de glanage.

     


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  • Martine est ravie de l'invitation de Simone Louyot.

    - J'aime bien la campagne et puis je vais voir ta noble cousine.

    La tante de Jean-François m’avait téléphoné pour me confirmer son aimable invitation, je l’avais sommairement mise au courant du résultat de mes premières investigations.

    - Voyez que nous sommes dans le vrai, j’étais certaine que cette histoire de reconnaissance de dette était la clé de l’affaire...nous en reparlerons lors de votre visite, mais surtout pas devant madame Parély.

     

    Sophie est conforme au portrait tracé par Simone, elle a beaucoup de charme, c’est aussi l’avis de Jean-François qui ne la quitte plus des yeux.

     

    Madame Parély parle de la messe à laquelle elle a assisté le matin, tante Simone avait trop de travail pour s'y rendre.

    - Et puis, une messe chaque mois, j'ai perdu l'habitude, le curé est pressé, il se dépêche et mange la moitié des prières, il faut le comprendre, il a cinq paroisses à sa charge...la messe ! encore une tradition qui va disparaître dans nos campagnes.

    Que dire du menu, à l'image de notre hôtesse d'un jour, gai, généreux, chaleureux, tante Simone est un vrai cordon bleu.

    Et le décor ? surprenant sur le coup puis finalement agréable, intime; la salle à manger de madame Louyot n'a pas de fenêtre ; imbriquée dans la grande maison, une porte vitrée donne dans l'entrée alors que l'éclairage principal tombe d'une verrière, en plein milieu  de la table ronde, diffusant une lumière un peu irréelle ; les ombres sont repoussées contre les murs, la vue d'un ciel nuageux, au-dessus de la vitre, donne une impression curieuse, la luminosité et la profondeur de champ empêchent de lever trop souvent les yeux au risque de ressentir comme une sorte de vertige.

    Le retour à la normale dans la véranda me permet de bavarder un peu plus longuement avec Sophie.

    - Imaginez la douleur de maman, le corps d'Anne n'a jamais été retrouvé, c'est encore plus terrible, si elle a été victime d'un meurtre comme nous le supposons, les assassins ont réussis à la faire disparaître à tout jamais.

    - Et la voiture, qu'est-elle devenue?

    - C'est vrai, nous devrions pouvoir la récupérer, elle est entre les mains de la police de Châlons-sur-Marne je crois, je vais me renseigner à ce sujet.

    - Aucun indice dans le véhicule, une lettre?

    - Nous ne savons que peu de choses concernant le véhicule, les policiers ont été avares  de renseignements.

    - Je vais demander à madame Parély de prendre des nouvelles de ce véhicule, qu’en pensez-vous ?

    - Vous allez raviver sa peine, je suis certaine qu’elle ne désire plus revoir la Clio d'Anne dans la cour du château,  à mon avis, il faudra confier cette voiture à un garage pour la mettre en vente... si la police nous là restitue. Vous pourriez nous conseiller à ce sujet?

    Je propose de m'en occuper, j'aimerais questionner les policiers qui se sont occupés de cette affaire.

    Sophie est d'accord et me promet d'obtenir l'aval de sa belle-mère.

    - Je vais me débrouiller pour l'amener sur le sujet avec douceur, elle est d’une telle sensibilité.

    Nous parlons encore longuement de sa belle-sœur qu'elle estimait beaucoup.

    - Elle était véritablement une sœur pour moi, avant l'accident d'Alexandre, elle avait compris que je ne pouvais plus vivre avec un être pareil, l'avenir moral d'Amandine était en jeu, mon équilibre aussi, elle m'a aidé à passer le cap particulièrement difficile de la séparation, ménageant sa maman et la préparant à cette rupture qui allait lui faire de la peine, ensuite, Anne a loué un appartement au-dessus du mien, elle me secondait dans les tâches ménagères, s'occupait de sa nièce, en plus de ses actions humanitaires.

    J'osais aborder d’autres questions.

    - D’après les dires, c’était une jolie femme et elle avait d’autres qualités, ses rapports avec les hommes ?

    - Elle avait connu plusieurs hommes avant de venir s'installer à Reims, elle me racontait absolument tout, puis elle avait rencontré un monsieur nettement plus âgé qu'elle ,un veuf qui militait également dans différentes associations humanitaires, malheureusement cet ami est décédé début de l'an dernier; elle en était profondément affectée mais ce n'est pas ce drame qui l'aurait poussé à se donner la mort, elle savait que de nombreuses personnes avaient encore besoin d'elles, y compris Amandine et moi...sans oublier sa maman qu’elle vénérait.

     

    Ce que je craignais sans vouloir y penser, la vue de la fermette en cours de rénovation séduit Martine.

    Jean-François nous proposait une visite de sa fermette en rénovation, Sophie, Martine et moi acceptions.

    - Ce serait super, une belle maison ancienne, avec une telle cheminée, tu sens ces relents de suie, cette odeur de boiserie, enivrant.

    Contrairement à moi, elle ne hume que ce qu'elle veut, elle a un odorat sélectif, ce n'est pas mon cas et dans ce chantier, je respire plutôt des émanations de ciment frais, de colle à carrelage et de peinture.

      

    Nous continuons à faire le tour de Morigny à pieds, Martine est heureuse de voir la fameuse fontaine, elle n'arrête pas de boire à la sortie du tuyau.

    Je lui conseille de modérer, because les nitrates.

    - Elle est bonne pourtant, ah oui, un peu âcre tout de même.

    - Tu veux vivre longtemps avoue.

    - Si tu restes avec moi jusqu'au bout d'accord.

    Je veux bien la croire.

    Par contre Sophie dédaigne l'eau fraîche.

    - Chaque fois que j'en ai bu, j'ai eu des nausées.

    Nous sommes pris dans une nasse au fond de la fontaine, deux villageois d'un  âge certain viennent de descendre l’escalier de gauche et commence à nous seriner.

    L'un est un vrai boute-en-train, il exagère, avec le bout de sa cane, il tente de soulever la jupe de Sophie.

    - C’est quelle a des belles jambes la gamine, et l’autre dame ça doit être le même paysage.

    Le deuxième est encore plus âgé, il sourit de sa bouche complètement édenté; deux beaux spécimens.

    Les femmes sont amusées, Jean-François s'énerve un peu.

    Enfin le grand père devient plus raisonnable.

    - J'la connais la belle Sophie, elle sait bien que je suis un farceur, que je n’suis pas méchant... on compte sur vous monsieur Laurent pour foutre ces vampires à la porte, de mon temps cela ne se serait pas passé ainsi, croyez-moi; j'ai été maire de Morigny pendant vingt cinq ans cher monsieur, c'est vous dire, de 45 à 70, j'vais avoir quatre vingt huit ans à la Noël, si j’y arrive...et  regardez-moi ce  jeune homme  qui rit comme un gosse qui vient de naître, il a passé les cent ans, du solide.

    - La fontaine?

    - Pensez-vous, faut pas le dire, il n'y a que les femmes qui boivent de l'eau à Morigny, ll' Adrien il fait encore son pinard, une sacrée piquette, refusez si il vous en offre, sinon votre estomac ne s’en remettra jamais... Cette flotte ne convient même pas au pastis, le mélange se fait difficilement.

    Notre escorte continue à nous seriner jusque devant la maison de madame Louyot.

    - Si vous voulez nous parler, nous avons notre quartier général devant l'ancienne boulangerie, de l'autre côté de la place, face au puits transformé en bouquet de fleurs.

    …………


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  • L’incendie

    Quand les récoltes de fourrage et de céréales sont à l’abri dans la grange, la crainte d’un incendie est réelle. Les causes sont multiples, parfois un échauffement du foin ou des gerbes rentrées humides, les rayons du soleil à travers une tuile en verre, un mégot jeté négligemment, mais le plus souvent, l’incendie est provoqué par un dysfonctionnement de l’installation électrique. Autres dangers, la foudre et la mise à feu volontaire.

    Concernant l’échauffement, une surveillance constante peut éviter le déclenchement d’un feu, quand la chaleur devient intense, il est nécessaire d’ouvrir le tas de foin ou les piles de gerbes. L’agriculteur est souvent fumeur mais il roule ses cigarettes lui-même et utilise du tabac gris, c’est moins dangereux que le tabac blond, et puis le prudent évite de fumer dans la grange. Les installations électriques sont loin d’être sécuritaires dans bien des cas, la poussière et un peu d’humidité peuvent provoquer un court-circuit. Quant à l’incendie volontaire, c’est plus fréquemment l’œuvre d’un dérangé, un pyromane, mais parfois d’une vengeance.  

     

     


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