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    Un tour aux archives du journal me permet de retrouver les articles concernant les décès d’Auguste et de Charles Pierret. Quelques lignes pour Auguste, sa mort était consécutive à un malaise cardiaque et il a chuté sur le soc d’une charrue, c’est la conclusion du médecin. Charles avait eu droit à une demi-page, l’accident ne faisait aucun doute, le maire était tombé du grenier à foin, en revenant des festivités de la Fête nationale de son village, le banquet s’était prolongé et il était fatigué, comme l’écrit pudiquement mon collègue, mais tout le monde savait qu’il avait ingurgité de nombreux verres de vin lors de cette soirée festive. D’ailleurs sa présence sur le grenier à foin à minuit passé était anormale, c’est un ouvrier agricole qui l’a découvert allongé sur le sol, ce commis logeait dans une pièce attenante à l’étable et il avait entendu un bruit insolite.

     

    Sur les conseils de Paul Baldo, je me rends à Oberville, un village d’une certaine importance situé à environ trois kilomètres de Champbourg. Trois hameaux composent cette commune nichée dans une vallée et entourée de forêts, les maisons sont disséminées à flanc de coteau, la mairie, l’église et quelques commerces constituent le noyau central. Je traverse le centre et descends vers l’un des ponts, passe à côté d’un ancien moulin et d’une scierie en activité et monte dans la forêt par une petite route en lacets. Je vais voir Hans, un ancien charbonnier, voilà un gaillard qui a certainement beaucoup de choses à me raconter, pendant l’occupation, il recevait souvent la visite des maquisards, servant de boite à lettres,  de ravitailleur et surtout d’indicateur. Autrichien d’origine, il paraît que les Allemands avaient une certaine confiance en lui et qu’il en profitait pour leur extorquer quelques renseignements.

    -Tiens mon ami Laurent, encore un vol à la scierie, j’parie ?

    A deux reprises, des vols avaient été commis à la scierie Vernat, j’étais venu sur les lieux, j’en avais profité pour monter jusque chez Hans Schaeffer, il avait encore une réserve de charbon de bois, d’une qualité irréprochable pour le barbecue.

    -Non, pas de vol cette fois, c’est toi que je viens voir.

    L’homme est impressionnant, barbe broussailleuse et chevelure rousse, c’est un colosse à la voix de stentor.

    Sa cabane construite de ses mains est à son image, faite de rondins de sapin, elle a l’allure d’une forteresse médiévale.

    Hans est un solitaire, bon client du café du Moulin tenu par Fernande, il aime la forêt et les animaux, nourrit les chevreuils et les sangliers lors d’hivers rigoureux et neigeux.

    -Tu veux du charbon, j’en ai plus un gramme, les gens de la ville viennent m’en acheter, c’est autre chose que celui qu’ils trouvent dans les commerces ?

    -Tu en auras encore, plus tard ?

    -J’fais une fournée par an, pour me maintenir en forme, tu sais que je viens de fêter mes soixante-dix-neuf ans, je dois me ménager.

    -L’air de la forêt est bénéfique, tu vas faire un centenaire.

    -Je n’ai qu’un regret, c’est de ne pas avoir d’enfant.

    -Tu en es sûr, il me semble avoir aperçu quelques rouquins et rouquines  dans les rues d’Oberville.

    Hans éclate de rire, un rire qui résonne dans sa cabane.

    -Du charbon de bois, tu devais en vendre beaucoup durant l’occupation ?

    -Les camions marchaient au gazo, les Vernat étaient de bons clients, la fromagerie de Montlieu aussi, et puis les docteurs et les vétérinaires de toute la région.

    -Et le maire de Champbourg ?

    -L’Auguste ? Naturlich, souvent il m’apportait une bouteille de gniole, on en buvait ensemble.

    -Comment s’est-il comporté quand les Allemands étaient là ?

    -Au début, il était pour Pétain, il avait été sous ses ordres à Verdun, tu comprends, puis il a changé d’avis, le traitant de vieux con, il était venu la veille de Noël 43, et j’avais picolé un peu trop, comme un con je lui ai dit que je ravitaillais les maquisards qui se cachaient dans la forêt, deux jours après, il m’apportait de la volaille et des œufs, pour tes bonnes œuvres qu’il m’a dit.

    Hans m’invite à entrer dans son chalet, je suis étonné par la propreté.

    -Tu as une femme de ménage ? 

    -Elle vient tous les soirs, c’est une femme à barbe… J’aime pas le bordel.

    -Alors pour toi, Auguste Pierret n’a pas été victime d’une vengeance.

    -C’est le cœur qui a lâché.

    -Et Simon Chauby, tu le connais ?

    -Et comment, il était facteur pendant la guerre et pour ne pas partir travailler chez les nazis, il s’est engagé dans le groupe Clément, des gaullistes.

    -Le groupe Oural, c’était plutôt des communistes.

    -Ils étaient plus loin, dans les bois de Loncourt et de Préval, je n’avais pas de contact avec eux, t’as vu la scierie Vernat, ils ont construit un grand hangar en tôle, leur affaire marche bien, ils vendent même en Belgique, du chêne pour faire des cuisines, ils ont fait des affaires avec les Allemands pendant la guerre, ils les ont roulés, remarque, ils ont bien fait.  

    Je m’attendais à ce que mon interlocuteur change de conversation, remuer de vieux souvenirs ça ne va qu’un temps.

    -Tu viens me voir quand tu veux, j’aime bien les visites, le charbon pas avant l’année prochaine.


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    Les betteraves (2)

    Après le passage de la houe entre les rangs de betteraves, un travail manuel commence, il est nécessaire de démarier les plants, n’en laisser qu’un à une distance qui permette au rescapé de se développer sans gêne. Le démariage s’opère avec une binette à manche court, c’est aussi l’occasion d’éliminer les mauvaises herbes. Une opération pénible en raison de la position courbée et de l’avancement sur le côté. Quand le bineur arrive au bout du rayon, il prend le temps de se reposer un peu. A la fin de la journée, il a les reins en « compote ». Quelques agriculteurs importants font appel à des spécialistes, des « betteraviers » qui viennent souvent de la région du Nord où ils pratiquent le démariage des betteraves à sucre.

    Quelques semaines après un premier passage, un second binage est utile pour supprimer les mauvaises herbes.


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    Je sors de Champbourg alors que les premières gouttes de pluie barbouillent mon pare-brise, l’orage menaçait, l’horizon est zébré d’éclairs. Je reste prudent sur cette longue ligne droite de la route départementale, le verglas d’été est dangereux, d’autant plus que la chaussée est bosselée. Depuis mon arrivée dans la région, on a dénombré une vingtaine d’accidents sur cette route, dont plusieurs mortels. Les poiriers qui forment presque une haie d’un côté portent des marques de tragiques rencontres.

    Je réfléchis à la demande du maire de Champbourg, faire un retour sur le passé n’est pas pour me déplaire, seulement si sa vie est réellement en jeu…

    Je connais mal Roger Pierret, par contre j’ai eu l’occasion de rencontrer son épouse, nous avons le même dentiste et nous avions sympathisé en poireautant dans la salle d’attente. C’est une citadine, elle ne s’occupe pas de la ferme mais elle sert de public-relations à son mari dans ses fonctions politiques. C’est elle qui l’avait incité à se présenter aux élections cantonales face à l’indéboulonnable  notaire et maire de Montlieu, maître Margon. Le résultat avait été serré, madame Pierret était déçue mais elle espérait que la fois prochaine, il serait inversé. Le couple a deux fils, Guy qui travaille à la ferme, marié, deux enfants, et Alain étudiant en architecture à Paris. Alain est un passionné de moto, quand il est en vacances, il sillonne le département sur sa puissante machine à vitesse excessive ce qui lui a déjà valu quelques ennuis avec la maréchaussée.

    Avant de rentrer chez moi, je fais un crochet par le camping  des Saules, la semaine dernière, deux campeurs Hollandais ont été interpellés, ils détenaient de la drogue et fournissaient quelques accros du secteur. Paul Baldo, gérant de ce camping est un ami.

    -Merci pour ton papier Laurent, cette vilaine histoire pouvait nous porter préjudice.

    J’avais écrit que la direction et le personnel du camping étaient particulièrement attentifs à toutes dérives, que ce soit au niveau de l’alcool ou de la drogue.

    -Nous ne sommes pas des gendarmes mais nous veillons à la tranquillité de la majorité de nos clients.

    Ma visite est aussi motivée par le fait que le père de Paul était résistant, une rencontre avec ce brave homme pourrait peut-être m’apporter quelques renseignements utiles.

    -Tu tombes mal, pas question de parler de cette époque avec lui, comme beaucoup d’Italiens d’origine opposés au fascisme, il avait rejoint un groupe de résistants communistes, le groupe Oural, tu en as entendu parler je suppose.

    -Oui, mais je crois qu’il a été sérieusement étrillé, des militants fusillés et d’autres déportés, peu sont revenus.

    -Exact et mon père avait des scrupules à être encore vivant à libération, c’est dingue mais c’est ainsi, et puis il a continué à militer chez les rouges, mais quand il a appris ce qui se passait derrière le rideau de fer, il a déchiré sa carte du parti, viré le portrait de Lénine qui trônait dans son bureau, tu vois, lui parler de la résistance le met dans un triste état.

    Je n’insiste pas, je comprends.

    -Si tu veux des tuyaux sur la résistance, va voir le curé de Préval, c’est une mémoire vivante, tu peux dire que tu viens de ma part, et puis va donc faire un tour du côté d’Oberville, il s’est passé pas mal d’événements dans ce bled pendant la guerre.

     

    Je fais part de la demande de Roger Pierret à monsieur Magnien, mon directeur.

    -C’est un sujet délicat, quelques traces sont encore dans les mémoires, je ne crois pas trop à une vengeance tardive, à mon avis, ce corbeau est un mécontent qui veut empoisonner le maire de Champbourg et qui utilise de tels arguments sachant qu’ils peuvent faire peur, vois ce que tu peux sortir comme papier intéressant en déterrant ces vieilles histoires, je te fais confiance.

     

    -Tiens, le fameux Rouletabille qui daigne rendre visite aux péquenots de Montlieu.

    Je viens d’entrer dans le café de la Mairie à Montlieu, l’un des cinq débits de boissons encore ouverts dans ce bourg, chef-lieu de canton qui compte environ 4000 habitants.

    Beaucoup de monde ce dimanche matin, de nombreux turfistes préparent leur tiercé, les discussions vont bon train et je constate avec plaisir que la page courses de la Gazette Républicaine est sur toutes les tables ou presque.

    -Un accident, un incendie dans le coin ?

    Je suis interpellé par un client accoudé au comptoir et c’est justement lui que j’espérais rencontrer.

    -Tu paies un canon journaleux?

    Je fais signe à Henri, le patron, de remplir le verre de Pierre Chauby, alias Pierrot, un gaillard qui peut me conduire vers Simon, son frère, ancien membre de la résistance.

    -Tu viens faire un tiercé, tu as de bons tuyaux ?

    -Si j’avais de bons tuyaux, je ne les divulguerai pas, sinon la cote de mon cheval baisserait.

    Henri me fait signe de ne pas insister.

    -N’entretenez pas la conversation, j’aimerais qu’il parte le plus vite possible, c’est bientôt la sortie de la messe et sa présence dérange mes bons clients d’apéro.

    -Je vous dépose chez vous monsieur Chauby, je passe par là.

    Les frères Chauby habitent à l’écart du bourg dans une ancienne maison de garde-barrière que Pierrot, maçon de profession a rénovée et agrandie.

    -Vous êtes si pressé ? Oui ça marche, sinon je vais être en retard et le frangin va râler.

     

    -Il trouve toujours un taxi pour se faire transporter celui-là, allez, va me chercher des patates à la cave, si tu veux manger à midi.

    J’ai déjà rencontré Simon Chauby, notamment lors d’une remise de médailles, il avait été décoré par le député, je ne sais plus de quelle distinction, c’est la première fois que j’entre chez lui et j’ai un mouvement de surprise.

    -Oui, je collectionne les armes, blanches et à feu.

    Sur l’un des murs de la pièce principale, quelques sabres de toutes sortes sont accrochés.

    -Au premier étage, j’ai des armes à feu, mais elles sont neutralisées.

    -C’est votre participation à la résistance qui vous a donné cette idée ?

    -Si l’on veut, j’ai commencé par récupérer quelques fusils allemands et américains puis j’ai continué, mais pas d’obus comme certains, je ne suis pas fou, je n’ai pas envie de faire sauter la baraque et moi avec.

    Simon veut me montrer sa collection de l’étage mais Pierrot a faim.

    -Revenez quand vous voulez monsieur Passy, je suis toujours à la maison ou dans mon jardin, derrière la haie.

    Je promets, dans la perspective de parler des maquisards du secteur, de l’attitude du maire de Champbourg durant l’occupation.

    …………….


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  • Les betteraves

    Les betteraves cultivées en Meuse sont en grande majorité des betteraves fourragères destinées à l’alimentation du bétail, bovins et chevaux. Les surfaces sont importantes, en rapport avec le cheptel. Le semis de printemps est méticuleux, le semoir mécanique utilisé pour les céréales est modifié pour la circonstance, en fonction de la largeur des rangs, seuls quelques godets sont ouverts. Le terrain doit être propre et parfaitement hersé, les chevaux doivent éviter de faire des écarts, après le premier passage, les suivants doivent être rigoureusement identiques. La levée est surveillée et, dès que les plantules sont suffisamment développées, il faut passer la houe entre les rangs. Encore une opération délicate, il faut approcher les plants le plus près possible mais sans les toucher naturellement. Le cheval est souvent tenu par la bride, l’homme qui tient les manches de la houe avec fermeté, reste attentif au moindre caillou.


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    Je vous propose un deuxième roman avec le même narrateur, Laurent Passy, journaliste.


    La mémoire oubliée

     

    Après les formalités d’usage, notre conversation s’enlisait dans les banalités, nous avions fait le tour du bulletin météo, parlé de nos santés réciproques en passant par les dernières nouvelles du canton et du département, évoqué la situation nationale et internationale.

    Depuis mon arrivée chez les Pierret, je ne sais pas encore pourquoi Roger, le maire de Champbourg m’a demandé de le rencontrer chez lui, sa demande téléphonique avait été pour le moins laconique, presque mystérieuse, à tel point que ma curiosité professionnelle m’avait incité à répondre rapidement à son invitation.

    Enfin, pour mettre un terme à un préambule interminable, mon hôte sort une enveloppe d’un tiroir, en extrait nerveusement un billet qu’il me tend.

    -Tenez, monsieur Passy, lisez ceci s’il vous-plait.

    Je déplie une feuille quadrillée, détachée d’un cahier d’écolier, le texte est court.

    « Je n’ai rien oublié, j’ai de la mémoire, ce sera bientôt ton tour Roger Pierret ».

    -J’ai découvert ce…message, samedi dernier, en prenant un atlas dans la bibliothèque à la demande de mon petit-fils, l’enveloppe, posée sur la rangée de livres est tombée, vous imaginez ma stupeur.

    Roger Pierret est agriculteur, il exploite un domaine agricole de plus de trois cents hectares de bonnes terres à blé et à betteraves à sucre. La famille Pierret dirige, depuis plusieurs générations,  la mairie du petit village de Champbourg, environ deux cents cinquante habitants.

    Il y a une dizaine d’années Roger avait succédé à son père Charles à la ferme et à la mairie, le maire était décédé tragiquement et brutalement le soir d’un 14 juillet en chutant d’un grenier à foin sur le sol bétonné de la grange. Un accident qui n’avait surpris personne dans le canton, le premier magistrat était connu pour son intempérance. Fraîchement arrivé dans la région, j’étais responsable de la rubrique sportive mais je me souviens que mon collègue des faits-divers avait eu quelques problèmes après la parution de son article relatant le drame. Depuis que je touche aussi à cette rubrique particulière, je sais à quel point il faut peser ses mots dans les comptes-rendus, le milieu rural est particulièrement sensible. A mes débuts, je me suis souvent heurté à des murs du silence dans des affaires de vols de bétail ou d’accidents de chasse, même les gendarmes admettent que ce n’est pas toujours facile d’enquêter, en particulier chez les paysans. Ma connaissance du terrain, quelques papiers reprenant les doléances des agriculteurs m’ouvrent plus facilement les portes et délient les langues.

    Un grand soupir, puis mon interlocuteur poursuit.

    -J’ai des raisons d’être inquiet en lisant ce papier, vous avez eu connaissance des circonstances qui ont entouré la mort de mon père, pour moi, pour notre famille, sa chute était inexplicable, c’est vrai que ce jour-là il avait bu, mais ce n’était pas la première fois qu’il montait sur le grenier dans cet état et il prenait des précautions, il ne marchait jamais au bord.

    -Quel est votre version ?

    -Nous pensons qu’il a été poussé, et ce billet le confirme.

    -Pas évident, l’auteur utilise peut-être cet argument pour vous faire peur, et vous aviez fait part de ces réflexions à la gendarmerie lors de l’accident ?

    -Oui, mais les gendarmes nous répondu que c’était souvent le réflexe des proches dans de telles circonstances… Ce que vous ignorez certainement, c’est que mon grand-père Auguste est mort lui aussi brutalement, à quelques mètres du point de chute de mon père, dans un hangar attenant à la grange, d’une crise cardiaque d’après le médecin, lui qui n’avait jamais eu de problèmes du côté du cœur. Il avait chuté contre une charrue, sa tête avait heurté un soc, il pesait plus d’un quintal, vous imaginez, de nombreux ragots circulaient, certaines mauvaises langues disaient qu’il avait été bousculé par mon père lors d’une altercation comme cela se produisait de temps en temps parait-il, c’était fin 1945, et si il avait été poussé par un tiers ? Celui qui a récidivé avec mon père…

    Evidemment, ce message a de quoi inquiéter Roger Pierret.

    J’examine l’écriture, elle est régulière, les lettres parfaitement formées.

    -Vous ne reconnaissez pas cette belle écriture ?

    -Qui écrit encore de cette façon de nos jours, personne de mon entourage.

    -En plus c’est avec un stylo à encre, avec des pleins et des déliés.

    -En effet, je n’avais remarqué ce détail… Alors qu’en pensez-vous ?       

    -Pourquoi vous adresser à moi, si vous avez des craintes pour votre vie, adressez-vous plutôt à la gendarmerie.

    -Je connais trop bien les gendarmes, ils vont me dire que c’est l’œuvre un farceur, et puis je ne veux plonger ma petite famille dans l’angoisse, maman est fragile depuis ma mort de mon père, je sais que je peux vous faire confiance, vous avez vos entrées partout.

    -Cette enveloppe était peut-être à cet endroit depuis plusieurs jours.

    -C’est possible, je prends rarement un livre dans ce rayon, mais mon épouse ou la femme de ménage pouvaient la trouver en faisant la poussière, je pense qu’elle a été déposée récemment.

    -Mais il fallait que celui qui l’a déposée s’introduise chez vous ?

    -Vous savez, dans nos villages, le maire reçoit souvent des visites chez lui, c’est mon cas, je tiens une permanence à la mairie une fois par semaine mais c’est tellement mieux de venir ici, plus convivial, les litiges se règlent plus facilement, un petit verre suffit parfois à détendre l’atmosphère.

    -Tout de même, si vous pensez que votre père et votre grand-père ont été la victime du même individu, il met du temps et de la réflexion entre ses interventions, tout d’abord en 1945, ensuite en 1978 et maintenant, dix ans plus tard.

    -Vous connaissez le proverbe, la vengeance est un plat qui se mange froid…

    -Que pourrait-on reprocher à votre famille, une vielle histoire antérieure à 1945, éventuellement ?

    -Vous y êtes, mon grand-père a dirigé la commune durant l’occupation, ce n’était pas facile, il lui fallait ménager la chèvre et le loup et mon père était prisonnier, de nombreux évènements se sont déroulés dans notre canton, vous qui avez des contacts faciles avec les gens, je pense que sous prétexte de faire un article sur la période de l’occupation, vous pourriez recueillir quelques informations.

    Ce genre d’investigation n’est pas pour me déplaire, pendant des années après la libération, il était difficile de récolter des renseignements, mes anciens collègues s’en souviennent, les souvenirs étaient trop frais, maintenant les langues devraient se délier.

    -Alors, vous êtes d’accord pour m’aider monsieur Passy, je vous dédommage de vos frais, de route et divers.

    -Si je m’occupe de votre affaire, ce sera dans le cadre de mon emploi, et avec l’accord de mon patron, je suis payé pour exercer mon métier

    -Excusez-moi, je ne vous ai pas froissé j’espère, vous savez à notre époque tout se monnaye.

    Roger Pierret est visiblement gêné, je le rassure, ce n’est pas la première fois que l’on me propose des cadeaux, j’accepte des places pour un concert, un spectacle ou un match, mais sans plus.


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