•  

    Le Moulin des revenants

     

    Depuis plusieurs jours, des rumeurs couraient dans le village, le soir en passant sur le pont, plusieurs témoins avaient aperçu des lumières suspectes se profilant derrière les fenêtres du vieux moulin.

    -Ca va d’un côté et de l’autre, de la fenêtre de droite à celle de gauche, du rez-de-chaussée à l’étage , affirmait Marcel.

    Son récit était étayé par d’autres personnes, la peur gagnait la population. Il faut dire que cette vielle bâtisse avait mauvaise réputation, certains anciens racontaient que des crimes avaient été commis à cet endroit. Quelle idée avait eu Robert Courot, le maire du village mais aussi riche propriétaire, d’avoir acheté cette ruine hantée.

    -Pour le grand terrain autour, il n’en a jamais assez.

     Le mot fantôme était chuchoté, des revenants, les âmes des trucidés. Pour en avoir le cœur net, le conseil municipal s’était déplacé vers minuit sur le pont, le maire et les conseillers avaient alors assisté à un spectacle hallucinant, les quatre fenêtres de la façade s’éclairaient tour à tour et rapidement, des ombres passaient et repassaient en agitant les bras.

    -Faut faire venir les gendarmes.

    Ce n’était pas une solution disait Robert Courot.

    -Ils vont se moquer de nous, je demande un ou plusieurs volontaires pour aller voir de près.

     Personne ne se manifestait, mais le lendemain un jeune homme du village voisin se présentait en mairie. Il était connu dans le canton, beau garçon et… coureur de jupons.

    -J’veux bien tenter ma chance ce soir, si je réussis, vous me donnez le moulin et la moitié du terrain qui l’entoure.

    Robert Courot ne s’attendait pas à une telle demande, c’est vrai qu’il avait acheté l’ensemble pour une bouchée de pain, mais en faire cadeau à ce godelureau… D’un autre côté, la situation ne pouvait qu’empirer et c’est bientôt les élections, la mairie vaut bien un vieux moulin.

    -Tope-là mon gars, ce soir tu nous débarrasses de ces parasites.

    Tout le village était rassemblé sur le pont, les filles n’étaient pas les moins intéressées.

    -Quel courageux ce Jérôme, pas comme les jeunes hommes de chez nous.

    La nuit commençait à tomber, les fantômes n’allaient pas tarder à faire leur sarabande.

    -Je vais les surprendre avant qu’ils fassent leur cirque.

    Jérôme avait pris le petit chemin qui contourne le moulin.

    -Les revoilà, les revoilà !!! 

    Encore plus déchaînés que d’habitude les zombies, dans une lumière blafarde, les ombres allaient d’une fenêtre à l’autre.

    -Mon Dieu, Jérôme, il ne reviendra pas vivant.

    Jacqueline, la fille du maire, semblait la plus inquiète.

    -Ca bouge moins, regardez.

    Les lumières étaient moins fréquentes et, d’un seul coup plus rien. Un grand silence régnait sur l’assistance, tout le monde avait les yeux braqués vers le chemin bordant la rivière, là où devrait réapparaître Jérôme.

    -C’est lui, c’est lui, vite, faut le secourir… 

    Il était mal en point le gaillard, les vêtements en lambeaux, le visage en sang.

    -Je les ai eus, mais non sans mal, à coups de bâtons, cette fois ils sont morts pour de bon, je les ai jetés dans le bief… ils étaient trois.

    Jérôme était fêté, Jacqueline s’était précipitée pour lui essuyer le visage.

    -Je tiens ma promesse devant mes administrés jeune homme, je te donne le moulin et la moitié du terrain, nous irons signer l’acte chez le notaire, dès demain.

    -Merci monsieur le maire, mais j’ai encore une petite requête à formuler…Je vous demande la main de votre fille.

    Robert s’appuyait sur le parapet du pont, il ne s’attendait à ça.

    -Oui, criait la foule, marions-les !

    Quelques mois plus tard, derrière les fenêtres du moulin rénové, dès la nuit tombée, on pouvait apercevoir des lumières, mais ce n’était plus des fantômes.

     

     


    votre commentaire
  •  

    - Le dénouement est proche, nous avons progressé et les éléments que vous nous apportez vont permettre de boucler solidement  le dossier.

    - Notre suspect...nos suspects ?

    - Permettez-moi de ne rien dévoiler, vous connaissez ceux qui ont la charge d’une telle affaire, ils tiennent à jouer les premiers rôles.

     

    L’adjudant Cavalier avait raison, le dossier était vivement bouclé et la presse était convoquée pour entendre une déclaration commune du juge et de l’officier enquêteur. 

    Traitement de faveur, j’avais eu droit à un prologue, j’avais été invité quelques minutes avant la  déclaration officielle et en avais appris la teneur.

    Je ne m’attendais pas à recevoir des félicitations et je n’en recevais aucune, tout juste quelques mots reconnaissant que ma participation avait permis de hâter la conclusion.

    Maître Cochet, désirant s’accorder les bonnes grâces de la justice et ne voulant surtout pas être mêlé à un assassinat avait vidé son sac, il avait cru de bonne fois à la véracité de la reconnaissance de dette et n’avait fait que son travail. Tout de même, il comptait profiter des retombées de la mise en bouteilles de l’eau de la fontaine, il avait placé un petit pécule dans la Compagnie d’Exploitation Des Eaux de Morigny.

    Son clerc, Simon Simon (Mais oui, c'est ainsi, son père avait trouvé ce moyen infaillible pour ne pas confondre) était lui aussi devenu actionnaire de la C.E.D.E.L., mais il avait apporté une somme plus importante dont les cent mille francs  représentant  la valeur du terrain, car c’est lui qui avait récupéré la reconnaissance de dette et qui l’avait falsifiée. De quelle façon ce papier était arrivé jusqu'à lui ? Desbois avait apporté une partie de l’explication. Il avait été victime d’un cambriolage qu’il n’avait pas osé déclarer car il connaissait l’auteur, une femme qui avait passé la nuit chez lui et qui, trouvant que le cadeau de son amant était un peu faiblard avait subtilisé quelques billets de banque et la reconnaissance de dette. Comme cette dame fréquentait régulièrement le clerc, elle lui avait proposée et l’avait vendue à moitié prix, soit  cinq mille francs.

    Apprenant qu’Anne questionnait les amis de son frère et qu’elle risquait de découvrir la vérité, Simon avertissait Duflaux. L’homme d’affaire qui venait de mettre la main sur le réservoir naturel de l’eau de Morigny et qui envisageait de réaliser des bénéfices considérables ne pouvait se permettre de tout perdre à cause d’une femme obstinée, il fallait supprimer cette empêcheuse de pomper tranquille. Il n’était pas le seul à avoir cette pensée, un autre actionnaire était de cet avis, il s’agissait du  maire de Morigny qui avait reçu un paquet d’actions en remerciement de sa coopération. Duflaux mandatait Simon pour organiser une mise en scène, Norbert Gallot  chargeait Fulbert Ligaud d’étrangler Anne. C’est bien entendu Berlingot qui avait suggéré de faire disparaître le corps dans le puits du légionnaire dont il connaissait la particularité, il était persuadé que le courant souterrain entraînerait la victime bien loin du trou, et puis le comblement du puits dans la foulée devait mettre définitivement les assassins à l’abri. Les deux exécutants avaient eu le tort de ne pas être soigneux, l’un et l’autre avaient laissé des traces de leur passage dans la voiture d’Anne et cette négligence était également fatale à un troisième larron, car si Fulbert et Simon était ensemble dans la Clio pour se rendre au bord de la Marne, il fallait bien qu’un complice les récupère, ce troisième homme était démasqué, c’était Denis Gallot, le frère du maire.

    Il restait un point d’interrogation et les auteurs du crime niaient avoir tiré sur Pierre Salvati, une autre piste menait les enquêteurs vers le milieu professionnel du forestier et mettait la main sur le tireur, une vague histoire de bois avait provoqué la colère d’un individu catalogué comme primaire aux réactions dangereuses. 

    EPILOGUE

    Morigny retrouvait un certain calme, un nouveau premier magistrat était élu et, surprise, c'est une femme qui l'emportait, Simone Louyot, soixante et un ans, conseillère municipale auparavant.

    Des décisions immédiates étaient prises, la fontaine était réaménagée, le bassin embelli, les accès modifiés et surtout, elle restait  accessible à tous. Quant au  terrain litigieux il était symboliquement vendu à la commune, des travaux de forage étaient découverts au milieu des ronces et des orties mais une nouvelle analyse ne permettait pas de classer l’eau à un niveau satisfaisant.

    Le puits du légionnaire était rebouché et refleuri, un nouveau jardinier avait été désigné.

    Un certain architecte bien connu de Sophie avait des projets pour le village, une réhabilitation proche du passé pour un avenir sauvegardé, c’était son Crédo. Jean-François avait regagné l'Hérault, Adeline semblait accepter l'idée de venir passer quelques semaines par an dans un Morigny rénové.

    L'adjudant me signalait qu'il avait découvert l'auteur du mot anonyme, une employée de maître Cochet, probablement celle qui m’avait reçu aimablement.

     


    votre commentaire
  • La rentrée des classes 

    La rentrée des classes

    Dans les années 40/50, les grandes vacances commençaient le 14 juillet et la rentrée s’effectuait le 1er octobre, il y avait moins de vacances intermédiaires.

    La rentrée des classes était, comme maintenant, un événement, surtout pour les nouveaux élèves. Il n’y avait pas d’écoles maternelles dans les villages, parfois une garderie et les enfants entraient à l’école primaire à cinq ans, sauf exception à quatre ans. Le cartable était modeste, pendant la guerre, en carton bouilli, il craignait la pluie. A l’intérieur, le strict minimum, un ou deux cahiers, une ardoise, une règle, un plumier avec un porte-plume et un crayon de papier, une craie, une gomme, rarement des crayons de couleur et plus tard, un rapporteur et un compas. Les livres étaient fournis par l’école, ils étaient souvent bien fatigués. Même rigueur au niveau des vêtements, la fille avait une nouvelle blouse, souvent de couleur, des nouvelles chaussures en rapport avec les possibilités financières des parents. Le garçon avait une blouse grise, un béret, un cache-nez, une culotte courte et des brodequins ferrés.


    votre commentaire
  •  

    La petite église de Morigny n'avait jamais connu une telle affluence, une foule énorme était restée à l'extérieur, Martine avait tenu à m'accompagner, madame Parély voulait que je reste à ses côtés, j'étais très ému de cette demande, c'était la première fois que je participais aux obsèques d'une victime dans de telles conditions.

     

    Je constatais qu'Adeline était venue rejoindre son mari et que Sophie s'appuyait sur le bras de son ami architecte, Amandine soutenait à sa grand’mère.

     

    Martine et moi faisions connaissance avec ces inconnus à l'issue de l'inhumation intime en nous promettant de nous revoir.

     

    Monsieur Magien ne s'intéresse pas tellement à cette affaire, il trop occupé avec son sondage-concours qui connaît un engouement exceptionnel, un quotidien qui couvre une autre région vient de plagier notre idée.

     

    Je récolte les renseignements par bribes, ce n'est pas mauvais pour l'alimentation de ma rubrique mais, j'aimerais que les enquêteurs avancent un peu plus vite.

     

    Benoît me félicite pour les photos, pourtant j'étais mort de trouille en lui tendant la pellicule, persuadé que beaucoup étaient ratées.

     

    - Tu peux m’agrandir celle-ci.

     

    - Tu as un endroit particulier que tu veux grossir, c’est possible.

     

    - Essaye de détacher ce personnage, accroupi à coté des bacs à fleurs, à ton avis il a un mégot au coin des lèvres ?

     

    - Difficile à dire, possible.

     

    Même avec une loupe c’est impossible d’être formel.

     

    - C’est peut-être un effet de lumière, je vais  zoomer sur son visage, nous verrons.

     

     

     

    - Les fumeurs de Gitanes sont encore nombreux malgré la poussée des blondes, j’admets que ce Berlingot peut être suspecté mais c’est un peu léger comme indice...le laboratoire sèche, les deux autres mégots trouvés dans la voiture ont été trop longtemps oubliés.

     

    Je montrais la photo grossie, le jardinier avait bien une cigarette à la bouche.

     

    - Ca, nous pouvions le savoir rien qu’en interrogeant son entourage.

     

    J’ai compris, ces messieurs doivent approcher du but, suivant leurs mauvaises habitudes, ils me prient de me mêler de mes affaires et de les laisser oeuvrer tranquille.

     

    Un autre doit sentir que les enquêteurs approchent de la vérité, maître Cochet téléphone à madame Parély et lui propose de lui rendre la fameuse reconnaissance de dette.

     

    - Je lui ai dit que c’est vous qui iriez la récupérer, ai-je bien fait ? vous passez et je vous signe une procuration.  

     

    Sophie est encore en congés et se propose de m’accompagner, ce que j’accepte avec plaisir.

     

    - J’ai hâte de voir ce papier, je pense que je vais être capable de déceler une anomalie concernant le chiffre, je connaissais l’écriture particulière d’Alex, sa façon de d’accentuer certaines parties de lettres ou de chiffres et d’en atténuer d’autres.

     

     

     

    J’ai bien l’impression qu’une autre raison avait poussé la jolie dame à m’accompagner, l’envie de sortir un peu d’une sorte de prison, elle me l’avouait.

     

    - Je me dois de rester encore quelques jours avec maman, mais c’est vrai que cette vie monacale ne me convient pas du tout.

     

     

     

    Je freinais brusquement et me garais sur un petit parking.

     

    - Que vous arrive-t’il ?

     

    En passant devant un ensemble de bâtiments, il m’avait semblé apercevoir, dans une sorte de cour, le clerc de notaire en discussion avec un homme. A peu près certain que cet homme n’est autre que le jardinier de Morigny. La rencontre d’un mangeur de pommes et d’un fumeur de gitanes n’est peut-être qu’une coïncidence...je faisais demi tour.

     

    Trop tard, plus personne, mais une voiture sortait d’un chemin et ce véhicule était bien celui de Simon. Je lui laissais prendre du champ avant de repartir alors que Sophie était interrogative, je lui expliquais.

     

    Je suis certain que maître Cochet est dans l’étude, encore plus certain que son clerc est là puisqu’il nous devançait et que sa voiture est garée sur le parking, mais aucun ne daigne nous recevoir, c’est une employée au demeurant fort aimable qui me donne une enveloppe cachetée contre ma procuration.

     

    - Vous pouvez contrôler monsieur Passy.

     

    Je contrôle et constate qu’il s’agit bien de l’orignal de cette fameuse reconnaissance de dettes.

     

     

     

    - Sans être formelle, je pense qu’effectivement un zéro a été ajouté...où allez-vous ?

     

    - Je prends la direction d’Oréville, vous connaissez, charmant village dans les bois...nous allons présenter ce papier à Pierre Salavti, il nous dira si il s’agit bien de celui que votre mari lui avait signé...avec un zéro en moins.

     

     

     

    - Oui sans hésitation.

     - Comment cette feuille est arrivée dans la poche  des amateurs d’eau miraculeuse ?

     

    Nous retournons à la gendarmerie afin de faire part de nos remarques, ma passagère n’est plus la même depuis que nous avons récupéré la reconnaissance de dette, elle ne parle plus, regarde devant elle, je la sens bien lointaine. C’est après un soupir qu’enfin elle exprime ce qu’elle ressent.

     

    - Notre rencontre, les fiançailles, le mariage, nos voyages,  ma grossesse, la naissance d’Amadine, cinq ans d’intense bonheur, si j’avais connu la suite...

     

    - Mais vous avez retrouvé le bonheur.

     

    - Croyez-vous ? non, le vrai bonheur n’existe que durant la jeunesse, cette période de totale insouciance, quand l’égoïsme se partage à deux, uniquement à deux, quand le monde extérieur est devenu étranger, les gens et les choses, même celles qui vous sont proches...plus tard quand on devient adulte, c’est impossible, ce n’est plus le bonheur, c’est une sorte de compromission avec la vie, un échange de bons moments souvent bien courts contre des moins bons et des mauvais, souvent bien longs...

     

     

     


    votre commentaire
  •  

    Les commerçants ambulants

    Les rares villages sans commerce étaient ravitaillés par des commerçants ambulants, boulangers et épiciers, parfois un boucher mais la viande était souvent fournie sur place, volailles et lapins, le cochon et même parfois le veau et l’agneau. (Maintenant, nombreux sont les villages où passe un boulanger qui fournit aussi d’autres produits alimentaires)

    D’autres marchands ambulants effectuaient des tournées régulières et en particulier des marchands de vêtements et de chaussures. Les vêtements étaient destinés au travail, pantalons, chemises et chaussettes (on en changeait après de nombreux reprisages), pour les dames, blouses, sous-vêtements, bas, jupes et autres, et pour les enfants, tabliers, culottes et chaussettes. Le commerçant n’avait pas un grand choix, les critères principaux étaient la solidité et la taille. Idem pour le marchand de chaussures, la pointure passait avant l’esthétique.  


    votre commentaire