• La mirabelle  

    La mirabelle

    La mirabelle est l’un des symboles de la Lorraine, d’ailleurs elle ne se plait que dans notre région et dans les secteurs limitrophes. Elle arrive à maturité vers le 15 août, tout dépend des conditions météorologiques et de la situation. (Cette année, elle a trois semaines d’avance) Deux variétés dominent, la mirabelle de Nancy et celle de Metz, la première est la plus grosse, la seconde la plus sucrée. Les mirabelliers sont abondants, généralement autour des maisons, dans les jardins mais également sur les coteaux entourant les villages.

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  • Dix jours se sont écoulés depuis ma visite à Morigny, je ne pense plus tellement à cette histoire de fontaine, il faut pourtant que je rende ma réponse, j'ai parlé du village et de son problème au rédacteur en chef, il est comme moi, il pense que c'est un peu couru comme reportage.

    - Si tu n'as plus rien à te mettre sous la plume, éventuellement, parler à nouveau de la disparition de cette dame, ce serait une éventualité, seulement il faudrait un motif valable, tu connais le patron, il suffit que je te donne le feu vert pour qu’il renâcle, attendons son retour, patiente encore quelques jours.

     

     Je me demande si les rebelles de Morigny n'ont pas trouvé un moyen radical pour faire parler d'eux; notre agence locale venait de recevoir un appel de la gendarmerie d'Avigny, des bagarres ont éclatées aux environs du fameux terrain, des géomètres qui effectuaient des relevés ont été refoulés  et, sous les menaces, ont du battre en retraite, riposte classique d'opposants à un projet, ce genre d'affrontement éclate un peu partout en France, seulement ce qui n'aurait du être qu'une guéguerre a tourné au vinaigre, un des arpenteurs aurait reçu une pierre au visage, contusion grave qui a nécessité son transport dans une clinique de la région.

    Jean-François ne me fait pas de reproche, sa tante.... un peu plus et la mère Gaston qui commence  à me déplaire souverainement m'accuse presque d'être responsable des incidents et de l’accident.

    - Les gens sont à cran, la prochaine fois il y aura des morts, pt’être que si vous  aviez parlé d’eux ils auraient été moins violents.

    Je tente d'avoir des nouvelles du lapidé, cette clinique est une véritable forteresse, les infirmières que je sollicite à la sortie sont muettes, je suis bien obligé de  me contenter d'un bulletin de santé émanant du grand patron de l’établissement: état stationnaire, pronostic réservé.

    Les gendarmes d'Avigny n'en savent pas plus sur la santé de l'homme hospitalisé, ils refusent de me donner le nom du blessé, trouvant une bonne excuse, en attendant ils  tournent dans Morigny à la quête de témoignages permettant d’identifier de l'agresseur, difficile, je le conçois, la loi du silence existe encore dans les campagnes.

    - Nous pensons qu'il s'agit d'un jeune, voilà le résultat de la colère des adultes.

    - Cet épisode risque de se reproduire?

    - Nous venons d'interroger plusieurs participants à la manifestation, ce sont des gens simples, en colère, mais honnêtes, cet accident grave leur donne à réfléchir et je serais surpris qu'ils recommencent à animer de telles séances.

    - En somme, grâce à ce jet de pierre, les auteurs du projet vont désormais avoir les coudées franches.

    - C'est notre avis... mais que voulez-vous insinuer ?

    - Difficile de savoir comment se porte le blessé, du moins pour nous, journalistes.

    - Si cela peut vous consoler, c'est aussi ardu pour nous, le docteur Marlin est connu pour sa discrétion mais également pour ses compétences, nous avions envisagé de commettre un médecin afin de procéder à un examen contradictoire, nous n'avons pas eu l'aval de nos supérieurs.

    - Avez-vous enquêté sur la disparition de madame Anne Parély?

    - Vous parlez de mademoiselle Parély? nous avions été informés de sa disparition, nos recherches dans le village n'ont rien donné, les autorités compétentes sur le département de la Marne ont retrouvé son véhicule près de la rivière en crue, le suicide était évident.

    - Les gens d'ici parlent de machination.

    - Si vous écoutez les ragots de ces paysans, vous allez vous égarer.

     

    Me voici comme aspiré par cette affaire, un soupçon d'atavisme probablement et puis la sympathie de Simone, l'amitié de Jean-François que je sens préoccupé non seulement par cette histoire de fontaine mais aussi par un problème plus personnel; il me confie que, depuis leur retour en métropole, son épouse ne cesse de lui faire des reproches et qu'elle envisage d'écourter son séjour à Morigny, laissant son mari ‘patauger dans la fange’.

    Et madame Parély, tellement convaincante qui ne cesse de me seriner que je me dois de faire quelque chose pour ce village étant donné mes origines.

     

    Je n'avais pas prévu un tel succès en signant mes premiers articles, je reçois un courrier de ministre,  les correspondants qui prennent fait et cause pour les rebelles sont les plus nombreux, par contre, quelques uns, des anonymes, évidemment, me traitent de Don Quichotte ou d’utopiste.

    J'avais essayé de rencontrer le maire car lui, d’après les échos, n'avait pas de compliments à m'adresser, élément importé, il se moquait bien de l'attachement d’une partie de ses administrés pour une source à peine claire.

    Merci aux malfrats de me laisser un peu en paix, merci aux automobilistes pour leur  soudaine prudence, je pouvais consacrer du temps à Morigny d’autant plus que le boss est d’accord, depuis son retour de croisière, il semble un peu amorphe, conséquences d’un sérieux coup de tabac essuyé par son rafiot aux larges de côtes Portoricaines. C’est tout de même triste de traiter ainsi de pauvres humains sous prétexte qu’ils ont de l’argent, de les précipiter au milieu des tempêtes, de leur faire prendre des risques insensés.


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  • David et Amandine

    David et Amandine

    David, notre second petit-fils vient de s’installer en ménage avec Amandine, un jeune couple qui, nous l’espérons nous offrira rapidement la joie d’un arrière petit enfant.

    David est un génie de l’informatique, il a créé son entreprise dans ce domaine.

     


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  • Je me demande si je vais intervenir dans cette affaire, d'un côté je ne voudrais pas décevoir madame Parély, ni la tante Simone mais j’aimerais savoir où je mets les pieds, reprendre discrètement l'enquête commencée par Anne, pour quel motif? Je n'ai pas de base de départ valable.

    Jean-François se rend compte que je ne suis pas enthousiasme.

    - Madame Parély ne t'a pas convaincu? Elle a pourtant des arguments et la mini-révolte des villageois, le sujet  n'intéresse pas ton journal?

    J'explique à mon  ami qu'il m'est difficile de prendre parti et que, raconter des  histoires de Clochemerle est d’un banal à l’heure actuelle.

    - Vous déjeunez avec nous, il vous reste encore un peu de temps à nous consacrer.

     Je n'ai guère le choix, d’ailleurs ce n'est pas une demande, c'est un ordre que m'adresse la pétillante Simone, et puis, mon odorat délicat a décelé un fumet qui interpelle mes papilles gustatives.

    - Si tu veux, avant de quitter Morigny, je  voudrais te montrer la fameuse fontaine.

    - OK et si c’est possible, j'aimerais faire un tour du côté de l'ancienne maison de mon oncle.

    - C’est juste au-dessus, nous pouvons y aller à pieds., après déjeuner.

     Mon nez ne s'était pas trompé, à la suite de crudités tirées du jardin, le coq au vin est sublime.

    - C'est généralement un plat d'hiver, mais j'ai du me résoudre à supprimer ce volatile, le jeune avait pris de l’ascendant et il lui donnait régulièrement la raclée, je n'ai que quatre poules, insuffisant pour partager,  heureusement que les humains ne se comportent pas comme eux, quoique, je me le demande.

    L'épouse de Jean-François est peu bavarde, manifestement elle s'ennuie dans ce trou, la fraîcheur relative de la cuisine d'été ne lui convient pas, elle couvre ses épaules dorées d’un châle,  dès la dernière bouchée, elle file dans le jardin s'allonger sur une chaise-longue sous le regard réprobateur de l'hôtesse.

    Je complimente la cuisinière, elle le mérite amplement.

    - Revenez quand vous voulez, ma table vous est ouverte.

     

    Je ne soupçonnais pas l'importance de cette fontaine, du moins de l'ouvrage qui l'entoure, située en contrebas de la rue, l'accès se fait un deux escaliers monumentaux, un de chaque côté.

    - L'escalier de gauche est emprunté par les catholiques pratiquants, celui de droite par les athées, ou le contraire je ne sais plus, tu vois le folklore; mais les vieux disaient que, malgré les divergences d'idées, un seul tuyau déverse l'eau et que l'unité se retrouve à cette source unique.

    C'est d'un grand mur en pierres grossièrement maçonnées  que sort le filet, par un modeste tuyau de plomb, la sécheresse de l'été ne permet pas  un gros débit actuellement, un bassin receuille l'eau qui déborde pour former un petit ruisseau qui s’écoule vers des buissons épais.

    - En dessous, se trouvait un lavoir, il paraît que le linge lavé dans cette eau sentait un goût particulier, les gens des autres villages avaient surnommés les Morignais "pulfers". Ma grand-mère  ne venait jamais laver son linge ici, un autre lavoir situé à plusieurs centaines de mètres avait été construit à la sortie d'une autre source dont l’eau n’avait pas de vertu particulière.

    - Tes grands parents sont décédés?

    - Grand père, il y bien longtemps, j'étais encore lycéen, grand mère vit encore, elle est dans une maison de retraite de la région parisienne, à proximité du domicile de mes parents, je vais lui rapporter quelques litres de cette eau afin qu'elle vive encore longtemps, elle est adorable.

    Adorable mais cloîtrée dans une prison pour vieux, je suis toujours choqué de voir ces personnes enfermées, leur regard nostalgique trahit l'ennui et la déception qu'ils éprouvent; j'avais pris en pleine poire la sentence d'un pensionnaire déclamant: maudit soit la civilisation qui bannit les anciens et pourrit les jeunes.

    Je trempe mes lèvres dans cette eau pas vraiment claire, même légèrement trouble, un peu jaunâtre, elle a un goût neutre au départ, comme n’importe quelle eau, puis laisse une certaine amertume impossible à définir.

    - L’ancien terrain de madame Parely se trouve au-dessus, derrière les broussailles et occupe tout le versant, il reste quelques vestiges  d’une ancienne usine travaillant le fer jusqu’au début de ce siècle mais également les ruines d’une brasserie abandonnée depuis plus longtemps,  l’eau utilisée était celle de la source, une bonne façon pour les non buveurs de flotte de bénéficier tout de même de ses bienfaits.

    Nous étions remontés sur la route, de l’autre côté un enchevêtrement d’arbustes précède un bosquet de saules.

    - Les nouveaux propriétaires peuvent ainsi capter la source en amont avant qu’elle arrive au tuyau.

    Nous quittons les lieux, gravissons une côte et arrivons à la sortie du village, l'église modeste dépasse à peine les autres constructions, Jean-François me désigne un grand mur de pierres sèches.

    - Derrière cette clôture, c’est l'ancienne maison du colonel.

    Je ne reconnais pas vraiment les lieux, ce mur ressemble à beaucoup d'autres.

    - Je crois qu'elle est en vente, c'était le presbytère, avant la guerre 40 il y avait encore un curé, tu n'as pas envie de l'acheter?

    D'une part, je n'ai aucune intention d'investir dans une bicoque située dans un coin perdu, d'autre part, je viens d'acheter mon habitation.

     Nous visitons la fermette que Jean-François s’efforce de réhabiliter, un gros travail et je lui souhaite bien du plaisir,  je doute fort que sa brune compagne accepte de s'enfermer dans ce vestige.

    - Tu as vu le fronton au-dessus de la porte, et la date gravée?

    Oui, plus de cent cinquante ans la bicoque, elle fait son âge.... Je connais une dame qui s'extasierait devant l'ancienne, Martine, ma compagne, aime les vieilles pierres, ses origines Bretonnes sans doute.

    - Des chances de te revoir ?

    Je réserve ma réponse et quitte Morigny non sans répondre aux gestes d'au revoir de Simone, de son neveu, de la mère Gaston et... d'un vieux voisin sorti de je ne sais où. 

    ……………


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    Les éoliennes

     

    Ecoutez le vent qui soupire,

    Dans les villages endormis,

    Il règne encor sur un empire,

    En poussant les nuages gris.

     

    Il n’avait plus grand-chose à faire,

    Sont disparus tous les moulins,

    Et de son souffle légendaire,

    L’homme n’en avait plus besoin.

     

    Mais s’implantent les éoliennes,

    Sur les collines, dans les champs,

    Avec leurs pales aériennes,

    Et leurs énormes mats tout blancs.

     

    Ecoutez le vent qui respire,

    En agitant sans un répit,

    Les hélices d’un autogyre,

    Qui ne décolle pas d’ici.

     


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  • Le château n'est qu'une grosse bâtisse à trois étages, de nombreuses fenêtres, dont un grand nombre aux volets fermés, un  parc mal entretenu, des arbres dont beaucoup sont atteints par la limite d’âge, un mur de clôture en déconfiture.

    Madame Parély m'attendait, Jean-François s'excuse de ne pouvoir rester.

    - Je vais relever Adeline, elle doit être fatiguée d’entendre les jérémiades de madame Gaston

    Très élégante la châtelaine, plus tellement à la mode, menue, je remarque surtout ses jambes d'un galbe parfait, alerte, vive, elle me guide dans un couloir  sans fin, une  odeur indéfinissable flotte dans la pénombre, j'ai une drôle d'impression, comme si ce lieu ne m'était pas inconnu, le sentiment de déjà vu, de déjà senti surtout.

    Nous débouchons sur une terrasse fleurie, meublée d'un salon de jardin et abritée par une banne.

    - Mon domaine aux beaux jours, je ne bouge que rarement de ce lieu, je brode, je lis, j'écoute de la musique, je n'ai plus rien d'autre à faire, en attendant que Dieu me rappelle... Simone vous a raconté nos malheurs, je refuse d’admettre la thèse du suicide, Anne se sentait menacée avant sa disparition, je  pressentais le malheur comme une mère devine l'état d'âme de ses enfants, elle ne se confiait plus à moi,  la crainte de me faire de la peine... Je peux vous offrir un rafraîchissement?

    J'accepte un jus d'orange.

    - Savez-vous que nous sommes parents?

    -Ah bon ?

    - Je ne vous dirais pas à quelle génération remonte notre filiation commune, c'est votre oncle qui m'a appris ce fait et qui me l'a prouvé par des documents en sa possession, il était passionné de généalogie et l'achat d'une maison à Morigny n'était pas fortuit, vous avez une demoiselle de Gaujard parmi vos ascendantes.

    J'avais toujours eu envie de remonter aux sources de ma famille, en particulier la branche de mon père, quand je serai à la retraite…

    - Vous êtes venu au château avec le colonel lors de votre séjour ici, vous étiez enfant,  vous en souvenez-vous?

    Je comprends à présent cette étrange sensation ressentie en pénétrant dans le corridor, j'avais  déjà foulé ces carrelages disjoints.

    - Tout a commencé quelques mois après l'accident d'Alex, mon grand, il y a deux ans, il s'est tué en voiture... à quelques kilomètres d'ici.

    - Alexandre Parély, accident de voiture, secteur d'Avigny, j'ai vu passer cette information, je crois me souvenir… que ce monsieur avait un taux d'alcoolémie non négligeable, pardonnez-moi d’être aussi franc…

    - Vous êtes pardonné, depuis quelques années, mon garçon nous faisait des misères, son épouse et la petite Amandine nous avaient quitté, il devenait brutal quand il avait bu et malheureusement, cela lui arrivait trop fréquemment... Sa sœur essayait de le raisonner, rien à  faire, elle le suivait à la trace pour payer les dettes qu'il laissait un peu partout  derrière lui, cafés, garages, restaurants... Donc, quelques temps après sa disparition, je reçois la visite du notaire d'Avigny, maître Cochet, accompagné d'un inconnu; ce monsieur, un certain Duflaux, m'exhibe un papier, je reconnais l'écriture d'Alex, écriture tourmentée, hachée...je vous explique ce qui s’est passé depuis le début, afin que vous compreniez... je ne vous dérange pas au moins?...Donc ces deux messieurs font irruption chez moi... Voilà madame me dit l’inconnu, une reconnaissance de dette signée par votre fils peu avant sa disparition, je représente le bénéficiaire et je suis chargé du recouvrement. Je tombe des  nues, je demande des explications, j'ai vu le chiffre inscrit sur ce papier: 100.000 francs, dix millions anciens. C'est une dette de jeu ajoute cet individu et je vous demande de quelle manière envisagez-vous de la régler? Maître Cochet m'explique que je ne peux me soustraire à cette demande. Je suis catastrophée, notre situation financière est désastreuse, Alex avait largement contribué à notre déchéance, nous avions dû vendre un pré pour régler des arriérés d'impôts, nous avions des travaux urgents à effectuer sur la  toiture de notre demeure. Je demande à réfléchir, je veux demander l'avis d'Anne; les deux hommes se retirent et maître Cochet se propose de jouer les médiateurs.... Encore un peu de jus d'orange?

    Je commence à avoir chaud sous cette toile délavée, le soleil tombe presqu'à la verticale, la situation de cette terrasse n'assure aucune ventilation.

    - Anne est très étonnée de cette affaire, elle savait que son frère jouait aux cartes avec des amis mais, comme moi, elle ne supposait jamais qu'il puisse perdre de telles sommes; c'est donc elle qui prenait contact avec le notaire, elle authentifiait la reconnaissance de dette et demandait conseil à un avocat... celui-ci confirmait le bien-fondé de l'exigence de ce Duflaux; un recours éventuel était d'arguer que mon fils n'était pas dans un état normal lorsqu'il avait signé le document; seulement, beaucoup d'argent à investir pour un résultat aléatoire. Anne tenta alors de savoir à qui cette reconnaissance de dette avait été délivrée initialement, elle supposait que le bénéficiaire se trouvait parmi des amis de chasse, une équipe qui passait plus de temps à jouer au poker dans le chalet qu' a tirer des sangliers. Peine perdue, le grand silence... elle avait beau aller de l'un à l'autre, elle recueillait des informations contradictoires. Nous ne savions comment nous dépêtrer d'une telle situation lorsque maître Cochet nous apportait une éventuelle solution. Nous possédions un terrain à proximité du village, dix hectares de friches et de bois, c'est l'emplacement d'une ancienne fonderie, un tas de gravats, des broussailles, quelques  arbres, un ensemble sans grande valeur....Un jour, le notaire me téléphone : Monsieur Duflaux accepterait d'échanger le billet contre cette propriété..... je suis chargé de vous transmettre cette offre, l'acceptez-vous?... Je lui demande de patienter, Anne a son mot à dire, dix millions pour un morceau  de terrain qui ne rapporte rien, sur lequel nous payons des impôts fonciers, une belle occasion pour se libérer de cette contrainte, pour éviter un scandale, nous acceptons.

    - Et ce terrain se trouve en amont de la source, Duflaux et compagnie avaient des visées sur l'eau de jouvence, une belle opération.

    - Exactement, au bout de quelques mois, alors que nous avions signés la vente chez le notaire, nous apprenions qu'une société envisageait de creuser un puits et d'installer une petite unité de conditionnement, c'était il y a environ un an, vous imaginez la réaction des villageois, détourner l'eau de cette fontaine que leurs ancêtres vénéraient, cette eau qui fait des centenaires.

    - Et vous croyez à cette légende?

    - Attendez, de tous temps, les habitants du village ont voulu préserver le secret de ces eaux, il y a dix ans environs, le maire de l'époque l'avait fait analyser, elle n'avait pas grand chose de particulier, si ce n'est une teneur en fluor un peu au-dessus de la moyenne et des traces de fer, seulement, le prélèvement d'échantillons avaient été effectué au printemps, à une époque où le débit de la source était à son maximum, se doutant que les amateurs du terrain avaient d'autres éléments en leur possession, Anne profita d'une période plus sèche, à un  moment où le débit se réduisait à un filet pour confier une nouvelle analyse, aucun doute, cette eau contient des éléments minéraux indispensables à l'organisme humain, vous dire exactement quoi, j'en suis incapable.

    Madame Parély agite nerveusement ses mains.

    -Mais je ne pense pas que la disparition de ma fille  découle directement de cette découverte, un peu plus tard, fin de l'an dernier, elle me faisait part de doutes sérieux concernant l'authenticité de la fameuse reconnaissance de dette, pas sur la rédaction, l'écriture était attestée, mais sur le montant de la somme, elle avait mené son enquête et avait appris que son frère n'avait pas la réputation de jouer des sommes aussi conséquentes, le malheur, c'est qu'elle voulait taire  le ou les noms  de ses informateurs, elle me disait attendre la réunion de preuves évidentes pour agir, quelques semaines plus tard...

    Madame Parély est pâle, visiblement très émue, je ne n'ose lui parler, respectant sa douleur encore vive.

    - Une fille formidable... je disais toujours, le seul homme de la famille depuis la disparition de mon mari...une lutteuse... nul doute qu'elle aurait remué ciel et terre pour confondre les escrocs.

    - Elle n'était pas découragée, dépressive?

    - Absolument pas, plus elle rencontrait d'obstacles et plus elle se battait, je vous le répète, sa disparition est inexplicable.

    - Revenons à cette période, c'était en début d'année?

    - Nous venions de passer les fêtes ici, c’était la tradition depuis toujours, Sophie ma bru et Amandine ma petite-fille étaient retournées à Reims, Sophie est associée à un architecte, elle est décoratrice, Anne était restée quelques jours supplémentaires, elle était secrétaire à mi-temps dans une association caritative, elle avait mis ses jours de repos au service de ses recherches, j'en étais persuadée, puis le 12 janvier , elle m'a quittée, en fin de journée, elle n'est pas revenue, plus... jamais...


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  • Un été pourri ?

    On commence à se plaindre du mauvais temps en ce mois de juillet ; après un printemps exceptionnellement ensoleillé, il fallait s’attendre à la pluie. D’ailleurs elle était nécessaire, reste à souhaiter que l’été reviendra pour le mois d’août.

    Les étés pourris ont toujours existé et, certaines années, c’était un scénario catastrophe pour la moisson. Les gerbes mises en tas sur le champ, au lieu de sécher s’imbibaient d’eau, les graines germaient, c’était surtout le cas pour l’avoine, une touffe d’herbe surmontait les tas, la perte pouvait être importante.

    Rentrer les gerbes humides dans la grange et les empiler était dangereux, la fermentation pouvait même provoquer des incendies.


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  • Jean-François Delacour semblait heureux de ma décision, je lui avais pourtant précisé que je venais uniquement en repérage, je ne pouvais lui assurer un reportage sur Morigny et sur l’eau de sa fontaine, d'autant plus que pour ce genre de travail, il me fallait l'aval du patron,  je dois savoir surtout qui sont les citoyens que je risque de trouver en face de moi, il faut toujours être prudent avant de prendre plus ou moins parti.

    Je comprenais rapidement la raison qui ne m'a jamais incité à faire une excursion dans ce village, la petite route que j'emprunte après avoir quitté la nationale est dans un état lamentable, elle est truffée de nids de poule énormes, il faut faire du slalom pour les éviter. Par endroit, le bitume est soulevé, fendu, l'herbe commence à pousser au milieu, j'imagine cette piste en hiver, impraticable.

    Enfin, à travers une brume de chaleur, j'aperçois des toits, un mélange de tuiles et d’ardoises. L’entrée du village est un peu meilleure, des graviers récemment répandus crissent sous  les roues. Une porcherie se devine à l’odeur, quelques fermes, puis une place ombragée. Le bâtiment allongé qui se trouve sur cette place doit être la mairie-école, une inscription illisible orne le fronton.

    Comme indiqué par Jean-François, je tourne à gauche, la rue est étroite, aucun trottoir, je rase les maisons dont beaucoup ont des volets clos, une grosse ferme, des gamins me regardent passer puis je plonge vers une autre place, sur la droite, je ne peux rater la maison fleurie, je contourne d'énormes tilleuls et m'arrête à côté d'un abreuvoir transformé en jardinière, plusieurs personnes sont assises sur un banc, à l'ombre d'un  marronnier.

    - Laurent, tu nous as trouvés facilement?

    - Avec tes indications,  impossible de perdre la boussole.

    - Madame Louyot, ma tante.

    - Simone pour les amis.

    Je m'attendais à voir une dame âgée, la tante doit avoir dans les soixante ans, elle est vêtue d'une robe bain de soleil assez décolletée, yeux rieurs, visage coloré, bien potelée, ce doit être une bonne vivante comme disent les gens d’ici.

    - Mon épouse Adeline.

    Bien bronzée, traces du soleil  de  Côte d'Ivoire je suppose, longs cheveux noirs, origine Espagne ou Italie, regard inquisiteur, bouche pincée, pas vraiment sympathique au premier abord.

    - Et voici madame Gaston, une voisine.

    - C'était le prénom de feu mon mari, tout le monde m'appelle ainsi depuis toujours, c'est donc vous le journaliste de la Gazette, c'est vous qui signez Laurent Passy? Je vous connais bien, je lis tous vos articles, surtout quand vous parlez des procès au tribunal, c’est souvent comique, ça donne envie d’aller voir de près.

    Bavarde la brave dame,  cheveux blancs, ridée comme une vieille pomme, elle doit faire partie des buveuses d'eau.

    -Sérieusement dégradée la route !

    - J'aurais dû te dire de passer par Avigny, elle est plus longue mais nettement meilleure, tu la prendras pour le retour.

    Jean-François m'entraîne vers une petite porte, sa tante nous précède et nous fait entrer dans une véranda envahie de fleurs et de plantes grasses.

    - J'ai dit à Adeline de s'occuper de la mère Gaston, cette vieille curieuse est aux aguets et répète tout à son petit-fils... vous avez constaté l'état de délabrement de notre village? Et encore vous n'avez rien vu, d'autres quartiers sont carrément en ruines, c'est triste de voir des maisons s'écrouler, de penser aux gens qui vivaient entre ces murs à présent effondrés, quand vous voyez l'intérieur de ces pièces éventrées, les vieux papiers peints en lambeaux, les parquets, quand vous imaginez tout ce qui s'est passé dans ces  habitations durant des années, des naissances, des morts, des rires et des larmes.

    Poétesse la tante Simone, elle à raison, ces vieilles bâtisses ont connus des événements que les bâtiments modernes ne connaîtront jamais ou rarement.

    - Jean-François vous a raconté ce qui se passe chez nous, des salauds  veulent nous voler notre fontaine.

    - Oui, et également un crime.

    - Tous les mêmes les reporters, c’est pareil à la télévision, le sang les attire... un crime, c'est une supposition, une disparition mystérieuse, une femme, et pas n'importe qui, Anne Parély.

    - Pourquoi dîtes-vous, pas n'importe qui?

    - Le père d'Anne, Paul Parély avait épousé Lucie de Gaujard, la fille du château, les de Gaujard étaient les seigneurs des lieux, Madame Parély, Lucie, vit encore, son mari est décédé depuis plus de vingt ans, ils avaient deux enfants, Alexandre tué dans un accident de voiture et Anne...disparue... Le garçon s'est marié, il a eu une fille, sa veuve et la gamine habite à Reims. Anne ne s'est jamais mariée, pourtant elle avait de nombreux prétendants, jolie, intelligente et riche. Elle vivait également à Reims, dans un appartement voisin de celui de sa belle-sœur, il y a six mois, elle a disparu, sa mère ni personne ne  la plus jamais revue, les policiers de Reims ont enquêté sur cette disparition, sa voiture a été retrouvée du côté de Châlons, non loin de la Marne, ils ont conclu à un suicide, mais le corps n'a jamais été retrouvé, la rivière était en crue et ils ont supposé qu’il avait été charrié vers la mer. La maman  d’Anne est persuadée que sa fille ne s'est pas donnée la mort, je suis de son avis, Anne était une fille solide, les pieds sur terre, elle adorait sa nièce, s'entendait parfaitement avec sa belle-sœur, savait que sa maman avait encore besoin d'elle, elle n'a laissé aucune lettre et n'avait jamais connu de périodes dépressives, une battante, le suicide est impensable.

    - Et que supposez-vous?

    - Qu'elle a été assassinée, elle était devenue une entrave pour les magouilleurs, ils n'ont pas hésité...

    - C'est  une accusation grave.

    - Je sais... j'aimerais que vous rendiez visite à Lucie, elle vous apprendrait beaucoup d’autres choses.

    - Qu'en penses-tu Laurent? Tu as un peu de temps?

    J’accepte de rencontrer cette dame, par curiosité aussi... une sorte de châtelaine, et puis cette disparition mystérieuse cache peut-être une affaire importante, quoique, il faut toujours se méfier dans ces histoires de disparitions, j'ai connu des cas de personnes volatilisées qui, finalement, avaient décidées de couper les ponts avec un entourage envahissant, cette sorte de fuite est surtout pratiquée par les hommes. Quand aux suicides, combien de proches disent la même chose: solide, équilibré, bien dans sa peau, comment peuvent-ils en être aussi sûrs.


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  • La corde à sauter

    La corde à sauter peut se pratiquer individuellement ou en groupe, c’est surtout un jeu de filles mais les garçons sont parfois invités à s’y mêler, une comptine accompagne le mouvement de la corde « Entrez dans la danse, voyez comme on danse, sautez, dansez, embrassez qui vous voudrez ». Les filles ont des préférences et invitent souvent les mêmes garçons, ce qui déplait aux autres qui perturbent le jeu qui bien souvent se termine par des cris, parfois même des « tirages de cheveux et des griffures ».  


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  • - Une histoire de source, pourquoi, elle est miraculeuse ?

    - Tu ne crois si bien dire, une source que les villageois appellent fontaine Vénérable ou fontaine Sainte Lucie suivant qu'ils soient athées ou croyants, paraît que l'eau a des propriétés particulières, c'est une véritable eau de jouvence, tu en bois, tu ne vieillis plus ou presque, ce n’est pas tout à fait une légende, de tout temps, les Morignais et Morignaises vivent vieux, à l'heure actuelle, trois centenaires, deux femmes et un homme, pour une population d’environ deux cents âmes, c’est une bonne moyenne non...

    - Elle gagne à être connue cette source.

    - Justement, jusqu'alors le secret était bien gardé, seuls les villageois connaissaient les pouvoirs bénéfiques de cette eau. Un bassin avait été aménagé il y a des siècles, l'endroit est propriété de la commune et chacun pouvait remplir des récipients à volonté, malheureusement, un groupe de personnes étrangères au village a acheté un terrain et un bois situés en amont du bassin, but de l'opération, capter la fameuse source avant sa résurgence et faire du fric avec la flotte.

    - Et plus rien ne coule, adieu les centenaires à Morigny, ou alors il faudra payer pour continuer à boire l’eau magique.

    - Tu as compris, tu vois le drame.

    - J'imagine, mais comment puis-je me rendre utile dans une telle affaire? La municipalité peut intervenir, refuser des permis de construire, des permis d'exploiter.

    - C'est la où le bât blesse, le maire et la majorité du conseil sont partisans de l'installation d'une usine de mise en bouteilles, les opposants insinuent qu'ils ont été achetés.

    - Attends, je ne te suis plus, tu parles de révolution dans le bled et tu me dis qu'à travers les élus, une bonne moitié de la population  accepte l'idée de la domestication de la source.

    - C'est assez compliqué, Morigny a une particularité, je te parlais de deux cents habitants, mais en fait la commune en compte plus de quatre cents au total, tu connais  Avigny?

    - Oui, c’est un bourg proche.

    - Cette petite ville ne cesse de grandir, son territoire est assez restreint et des constructions nouvelles ont été édifiées dans la périphérie, dont plusieurs sur le territoire de Morigny, naturellement les habitants de ce nouveau quartier se moquent royalement d'une fontaine située a trois kilomètres de chez eux et puis ce ne sont pas des gens de la région, ils prennent les villageois pour des demeurés.

    Cas particulier en effet, j'ai déjà constaté les effets nocifs de ce genre de situation exceptionnelle, la partie en expansion devient majoritaire et tire la couverture de son côté, laissant le village initial partir à la dérive.

    - Je vois, mais cela ne me dit pas comment je pourrais intervenir utilement dans cet imbroglio?

    - Une autre raison, j’aurais préféré que tu  la découvres sur place, c'est compliqué à expliquer, je ne connais pas tous les éléments.

    - A mon avis, un reportage sur cette fontaine et son eau aux propriétés étonnantes ne pourrait qu'avantager les nouveaux propriétaires.

    - C'est un risque mais je suis certain que si tu viens sur place, si tu rencontres les principaux opposants au projet, tu seras convaincu et tu marcheras avec eux, d'autant plus qu'il est possible  qu'un crime ait été commis dans le contexte de cette histoire d'eau, un crime impuni.

    Jean-François a deviné mon point sensible, narrer les luttes entre manants et puissants, c'est courant et banal, si il y a mort d'homme et que le coupable n'est pas démasqué, le suspens permet de tenir les lecteurs en haleine.

    - A titre indicatif, je te signale que la victime est une femme; alors qu'en penses-tu?

    - Un ou deux articles sur le village, les villageois, les centenaires, c'est cela que tu veux pour commencer?

    - Oui, cela donnerait du courage à ceux qui refusent la mainmise de la fontaine par des requins.

    - Laisse-moi tes coordonnées, je te contacte.

    - Je suis à Morigny pour un bon mois encore, avec mon épouse, ma tante nous héberge; je vais retaper la ferme de mes grand-parents, tu verras, elle en vaut la peine.

     

    Curieusement, lors de cette discussion, des bribes de souvenir me sont revenus, une semaine dans la vie d'un gosse c’est peu de chose, je crois que le rideau qui masquait mon passage dans ce petit village s'est écarté quand Jean-François m'a parlé du chien noir, maintenant, je revois mon oncle et ma tante, je dois avoir des photos du couple au fond d'un tiroir ou dans un album. Les images que je revois se superposent, une maison, un grand mur de pierre sèches, un jardin clos avec des fleurs, beaucoup de fleurs...des odeurs d’œillet que je n’appréciais guère...j’ai toujours horreur des oeillets...un grand homme sec vêtu d’une saharienne...une petite femme avec un tablier rose faisant des tartes...excellentes d’ailleurs.

    C'est idiot, je suis passé à plusieurs reprises dans les environs de Morigny, je suis justement allé à Avigny, je ne sais plus trop pour quelle affaire, un incendie il me semble, j'aurais pu faire un crochet par ce village...le colonel et son épouse n'ont pas gardé longtemps cette résidence secondaire, il a été nommé en Nouvelle-Calédonie, quelques mois après, nous apprenions qu'il s'était tué dans un accident d'hélico, ma tante, probablement rongée par  la douleur ne tardait pas à le rejoindre. 

    …………


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  • Jeux de garçons (été 1)

    Télévision et jeux vidéo occupent à présent les jeunes, dans les années 50, on était à des années-lumière de ces divertissements, mais les garçons ne s’ennuyaient pas, en hiver, c’était les jeux de société, en été les jeux de plein air.

    En été, mise à part la cachette à laquelle les filles participaient, il y avait des variantes réservées aux garçons. Avec les « gendarmes et les voleurs », deux groupes étaient constitués, les voleurs se cachaient et les gendarmes devaient les  débusquer. Ce jeu durait des heures et se déroulait surtout en périphérie du village. Il y  avait aussi le jeu des « Indiens et des Cow-boys ». Les Indiens fabriquaient des arcs et des flèches, les Cow-boys des pistolets en bois. La construction d’un château-fort avec des rondins de bois était passionnante, l’édifice était ensuite attaqué par des pillards.

    Tous ces jeux ne se terminaient pas sans bobos, quelques bosses sur la tête, des genoux couronnés mais jamais rien de grave.  


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  • Je vous propose un récit, le narrateur, Laurent Passy, est journaliste dans un quotidien régional, il est spécialisé dans les faits-divers et il lui arrive d’effectuer des recherches concernant des événements où plane un certain mystère.

      

    - Je suis Jean-François, Jean-François Delacour, souviens-toi, Morigny, les grandes vacances, il y a...je ne sais plus exactement?

    La sonnerie du téléphone m’avait fait sursauter, j’étais plongé dans la lecture d’un article  écrit par un stagiaire, un récit banal que le jeune homme avait essayé de traiter de manière humoristique mais que je ne parvenais pas à comprendre.

    Morigny, je connais cette localité, elle est située dans notre zone d’édition, mais les abonnés de "La Gazette Républicaine" ne doivent plus être nombreux, en feuilletant chaque édition comme je m’efforce de le faire chaque jour, je vois passer quelques informations locales et, comme c'est malheureusement le cas pour de nombreux villages en déclin, ce sont surtout les nécrologies qui défrayent la chronique.

    Les grandes vacances? Je crois me souvenir qu’effectivement j'ai passé une ou deux semaines  à Morigny, je devais avoir six ou sept ans, quelques jours chez un oncle colonel qui avait une résidence secondaire dans ce village.

    Jean-François Delacour ? Ce nom ne me dit rien du tout.

    - Tu es bien Laurent De Rougemont?

     Bien entendu, quoique, j'ai presque oublié mon vrai patronyme que je n'emploie plus que dans les actes officiels, Passy, mon nom de guerre comme je dis, me convient mieux, c'est le nom de famille de ma mère.

    - Mon grand père habitait juste à côté de chez ton oncle, une petite ferme, la dernière habitation sur la route de Souville, tu venais jouer avec moi dans la grange, j'étais un peu plus âgé que toi... je le suis toujours....

    Sacrée mémoire ce Jean-François, si il le dit, je veux bien le croire, j'ai pourtant beaucoup de souvenirs de mon enfance, cet épisode de ma vie est un peu éventé.

    - Mes grands-parents avaient un gros chien noir, tu lui montais sur le dos, j'ai des photos.

    Un chien maintenant... c'est ma foi vrai... je revois ce gros toutou, j'ai complètement oublié le gamin, pas le chien.

    - OK, ces souvenirs me reviennent, que deviens-tu?

    - Je travaillais en Afrique, je viens de rentrer définitivement en Europe, j'aimerais te rencontrer, c'est possible?

    - Bien entendu, quand tu veux, tu me préviens quelques jours avant, je m’absente assez souvent.

    - J'aurais une affaire à te soumettre.

    Comme chaque année, cette période de vacances qui commence est calme, relâche dans les tribunaux, moins d’accidents, je meuble comme je peux, ressortant comme toujours en pareil cas, d'anciennes affaires non élucidées, c'est fou le nombre de criminels qui continuent à vivre impunis. Ce genre de reprise n'est pas toujours fortuite, j'essaye de gratter un peu plus les indices existants et il arrive que des témoins qui ne s'étaient pas manifestés parce qu'ils pensaient que leur témoignage était inutile ou insignifiant prennent contact avec la police ou la gendarmerie, quelques dossiers en sommeil reviennent à la surface.

    L'ambiance au bureau est un peu plus cool durant cette période, d’autant plus que le boss est parti en croisière, je me demande dans quel état il se trouve, lui qui a déjà le mal de mer dans l’ascenseur.

     

    Sympa Jean-François Delacour, il dit me reconnaître, je veux bien, près de trente ans se sont écoulés, j'ai tout de même changé.  Bizarre, quand je l'ai vu entrer dans le hall, j'ai de suite pensé que c'était lui, une certaine allure familière.

    - Alors, tu travaillais en Afrique ?

    - Oui, terminé pour moi, de toutes façons ce n'était plus agréable, en douze ans l'évolution n'a pas été dans le bon sens, les mentalités changent. J'étais en Côte d'Ivoire, à côté d'Abidjan, je travaillais pour une société spécialisée dans les bois tropicaux, enfin je travaille toujours pour la même boîte, le siège social est à Sète.

    - Tu as encore de la famille à Morigny ?

    - Oui,  une tante, la sœur de maman, elle est veuve, depuis mon retour, je suis allé lui rendre visite plusieurs fois, quinze ans que je n'avais pas mis les pieds dans ce village, il n’a pas changé, ou plutôt si, beaucoup de maisons vides, une population vieillissante, je suppose que ton activité journalistique  t'amène rarement dans de tels trous perdus.

    - C'est rare en effet.

    - Bon, tu imagines que je ne suis pas venu te voir uniquement pour ressasser de vieux souvenirs, je me fais un peu l'ambassadeur de plusieurs personnes de Morigny qui auraient besoin de tes bons offices, plusieurs personnes dont ma tante, c'est elle qui m'a parlé de ton journal, de toi, elle lit tes articles assidûment, c'est une fan.

    J’ignorais que j’avais  des fans, enfin une, c'est peut-être la seule, pas de chance ce  sont rarement de jeunes demoiselles qui me demandent des autographes... ni même les autres.

    - Et comment pourrais-je venir en aide à ces sympathiques campagnards?

    - Je vais te résumer la situation, mais une visite sur place et la rencontre avec certaines personnes, dont ma tante bien entendu, pourrait t'édifier sur le sérieux problème que connaît le village, est-ce possible?

    - Si le sujet s'assimile à des faits divers c'est envisageable.

    - Je sais que grâce à toi, des énigmes ont été résolues, des mystères dévoilés et des coupables confondus.

    - Ne me dit surtout pas que tu as entendu parler de moi en Afrique.

    - Même pour te faire plaisir, non, mais cela pouvait être possible, figure-toi qu'un collègue originaire de la région recevait votre journal, avec un décalage naturellement.... Bon, branle-bas de combat à Morigny et quand je dis combat, je n’exagère pas, c'est un village en état de siège que j'ai retrouvé, tout cela pour une histoire de source.

    ………..


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  • Notre environnement

    Le 14 juillet

    La Fête Nationale est mise en sommeil durant l’occupation, le drapeau tricolore et la Marseillaise sont interdits. Dès la Libération, le 14 juillet retrouve ses couleurs. Cette date marque aussi le début des grandes vacances et c’est avec beaucoup d’ardeur que les jeunes participent aux jeux organisés par la Municipalité. Sur la place de la Mairie se dresse le mât de cocagne, au sommet, accrochés à une roue de bicyclette, des paquets de gâteaux, des bonbons, mais aussi des saucisses et même un jambon.

    L’ordre de montée est tiré au sort, mais ce n’est pas un avantage, le poteau est enduit de savon et les premiers grimpeurs n’atteignent pas le haut, il faut plusieurs passages pour y parvenir.

    La course au sac est spectaculaire, les chutes sont nombreuses, la course à l’œuf est moins physique, il faut courir sans se précipiter pour maintenir l’œuf dans la cuillère tenue entre les dents.

    Pas de feu d’artifice dans les villages, les jeunes font exploser des pétards dans les jambes des danseurs évoluant sur la place au son d’un accordéon ou plus souvent d’un phono.  

     

     


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  • Notre environnement

    Malgré le coût important, les communes du secteur tirent un feu d'artifice pour la fête nationale, après ceux d'hier soir, une nouvelle série ce soir.

    Nous n'avons pas besoin de nous déplacer pour admirer celui d'Aumetz, de nos fenêtres nous sommes à bonne hauteur.


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  • Notre environnement

    Ligne de chemin de fer

    Pendant de nombreuses années, la ligne de chemin de fer allant de Fontoy à Audun-le-Tiche était active, quelques trains de voyageurs et surtout de longues rames chargées de minerai de fer l’empruntaient. La gare d’Aumetz avait une certaine importance, arrivaient aussi des wagons de bois en provenance des pays de l’Est, de Finlande et des ports d’Anvers et de Rotterdam destinés à une société commerciale (où j’ai travaillé durant huit ans). Le trafic des voyageurs s’est arrêté dans les années 70, puis, l’arrêt des mines de fer a sonné le glas de cette ligne. Les caténaires ont été démontés, reste une voie que les nostalgiques du rail voudraient voir renaître pour le transport des employés frontaliers. Utopie, le tracé est sinueux et passe sur un viaduc quelque peu délabré. La gare d’Aumetz a été transformée en logements, la ligne occupe un terrain que la Municipalité aimerait récupérer pour construire. En attendant les rails rouillent et ils sont envahis par la végétation.


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  • La noce (2)

    Le déjeuner du samedi se prolonge tard dans l’après-midi mais, avant de se retrouver pour la soirée, de nombreux convives doivent quitter la fête pour la traite des vaches. « Elles ne font pas la noce, elles ! ».

    Le soir la fête reprend de plus belle et ce sont surtout les jeunes qui l’animent, chansons, danses, sans oublier la « cérémonie » de la jarretière, un jeune homme se glisse sous la table et subtilise l’objet sur une jambe de la mariée. La fameuse jarretière est mise aux enchères, entière ou découpée en morceaux afin que chaque convive garde un souvenir de ce grand jour.

    C’est aux alentours de minuit que les jeunes mariés s’esquivent, ils sont pressés de se retrouver dans l’intimité, même si bien souvent, ils n’ont pas attendu la nuit de noce pour « faire l’amour ». La chambre nuptiale se situe généralement chez un parent et, quelques heures plus tard, au petit matin, les jeunes partent à la recherche du couple pour les « dénicher ». L’un des participants connait l’adresse de la cachette mais il ne la dévoile pas tout de suite. Une occasion pour réveiller les villageois qui, en majorité ne rouspètent pas et pourtant ça crie et ça chante dans les rues, on frappe aux portes et aux volets.

    Les jeunes époux s’attendent à une visite, ils entendent les fêtards se rapprocher.

    La coutume veut que soit offert un pot de chambre dans lequel les visiteurs ont versé du vin ou du champagne, à la suite des mariés, chacune et chacun boit à son tour.


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  • Notre environnement

    La marelle

    La marelle est un jeu de filles. Tracé sur un terrain plat, le parcours, dessiné à la craie sur le macadam va de la terre au ciel. Je n’ai jamais bien compris la règle et je n’ai pas cherché à comprendre. Les garçons viennent embêter les filles quand elles sautent sur le parcours.

     


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  • La cour des fantômes

     

    Sébastien n’était pas très hardi malgré ses dix ans, c’est tout juste s’il ne croyait pas encore au père Noël. Il avait peur de tout, et surtout du noir, longtemps sa maman lui laissait une petite lampe allumée près de son lit sinon il ne s’endormait pas.

    Ce jour-là, il s’était attardé chez ses grands-parents, sa bonne grand-mère lui préparé son dessert préféré, une tarte à la mirabelle, la première de l’année.

    -Faut que t’attendes un peu mon gamin, elle est encore dans le four, ton grand-père avait oublié de cueillir des fruits pour ce soir, il n’a pas de tête.

    Une attente supportée, seulement le soir commençait à tomber et dans la côte il n’y a pas de lampadaire.

    Sébastien engloutissait sa part de tarte sans respirer.

    -Ben dis-donc, t’en avais envie, reprends-en un morceau.

    Le garçon ne pouvait refuser mais, dès la dernière bouchée avalée, il embrassait ses grands-parents et s’esquivait.

    Les journées raccourcissaient, il faisait presque noir, Sébastien hésitait à descendre la côte, surtout qu’en bas, la cour de la ferme des Guérin ne lui inspirait pas confiance. Plusieurs fois, en passant devant cet endroit, alors qu’il ne faisait pas nuit, il avait entendu des bruits bizarres et vu des ombres inquiétantes, probablement des fantômes. Faire le détour par la grimpette de l’Eglise et passer devant le cimetière, c’était encore pire, chaque nuit, il est peuplé de feux-follets.   

    Il ne pouvait courir, la pente est trop forte, ses genoux ont de la mémoire mais, en passant devant la cour, son cœur battait la chamade.

    -Psitt…

    Qui l’appelait ainsi, à coup sûr, un revenant.

    -Gamin, viens voir par ici.

    La voix chuchotait…

    Le peureux était tétanisé, il aurait voulu se sauver mais ses jambes refusaient.

    Une ombre s’approchait.

    -N’aie pas peur.

    La voix était douce, Sébastien surmontait sa crainte.

    -Dis-moi, il y a des Allemands ici ?

    -Des soldats ? Non.

    -Tu pourrais me trouver à manger et à boire ?

    Sébastien guidait l’inconnu vers sa maison, avant de poursuivre sa route, le prisonnier évadé reprenait des forces.

    -Votre mari est prisonnier aussi ? Je vais essayer de rejoindre la région parisienne, je serai en sécurité, merci, vous avez un fils courageux, à sa place, à son âge, je me serais sauvé à toutes jambes. 

    Cette aventure avait guéri Sébastien de sa phobie, en passant devant la cour des Guérin, le soir, il sifflotait gaiment. 

     

     


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  • La noce (1)

    Durant l’occupation, les mariages sont rares et ceux qui sont célébrés le sont dans une certaine discrétion. Après la Libération, de nombreux couples passent devant le Maire et le Curé.

    La noce se déroule souvent sur trois jours, le vendredi, c’est le mariage civil en mairie, le samedi le mariage religieux à l’église et, le dimanche, la messe est consacrée aux défunts des deux familles.

    Cet événement se prépare longtemps à l’avance, la couturière du village est sollicitée pour confectionner la robe de la mariée ou ajuster une robe déjà portée. Les repas sont servis à la maison de la jeune fille, les tables sont installées dans une remise ou dans une grange. Une cuisinière a été contactée, il s’agit souvent d’une dame du canton, renommée pour ses qualités. Elle sera assistée d’une brigade d’aides et de serveuses. Les menus ont été élaborés, ils comportent de nombreux produits locaux, viandes, volailles et légumes, seul le dessert de midi est commandé à un boulanger-pâtissier. La qualité des vins est proportionnelle à la fortune des parents.

    Les jeunes époux sont souvent du même village et, avec toute la parenté et les amis, les invités représentent une grande partie des habitants.

    (à suivre)   

     


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  • La balançoire

    Les jeux de plein air ne manquent pas, à commencer par la balançoire souvent suspendue à la branche d’un arbre. Deux cordes, une planchette en bois ou un vieux pneu, voilà de quoi s’amuser. C’est parfois la bagarre, quand celle ou celui qui se balance n’a pas l’intention de céder sa place.

    Les garçons font les malins et montent très haut, mais gare à la chute qui n’est jamais glorieuse.

    Le déplacement d’air soulève la robe des filles, laissant apparaître la petite culotte…Quand elles en ont une !


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