• La fontaine de jouvence

    Je me demande si je vais intervenir dans cette affaire, d'un côté je ne voudrais pas décevoir madame Parély, ni la tante Simone mais j’aimerais savoir où je mets les pieds, reprendre discrètement l'enquête commencée par Anne, pour quel motif? Je n'ai pas de base de départ valable.

    Jean-François se rend compte que je ne suis pas enthousiasme.

    - Madame Parély ne t'a pas convaincu? Elle a pourtant des arguments et la mini-révolte des villageois, le sujet  n'intéresse pas ton journal?

    J'explique à mon  ami qu'il m'est difficile de prendre parti et que, raconter des  histoires de Clochemerle est d’un banal à l’heure actuelle.

    - Vous déjeunez avec nous, il vous reste encore un peu de temps à nous consacrer.

     Je n'ai guère le choix, d’ailleurs ce n'est pas une demande, c'est un ordre que m'adresse la pétillante Simone, et puis, mon odorat délicat a décelé un fumet qui interpelle mes papilles gustatives.

    - Si tu veux, avant de quitter Morigny, je  voudrais te montrer la fameuse fontaine.

    - OK et si c’est possible, j'aimerais faire un tour du côté de l'ancienne maison de mon oncle.

    - C’est juste au-dessus, nous pouvons y aller à pieds., après déjeuner.

     Mon nez ne s'était pas trompé, à la suite de crudités tirées du jardin, le coq au vin est sublime.

    - C'est généralement un plat d'hiver, mais j'ai du me résoudre à supprimer ce volatile, le jeune avait pris de l’ascendant et il lui donnait régulièrement la raclée, je n'ai que quatre poules, insuffisant pour partager,  heureusement que les humains ne se comportent pas comme eux, quoique, je me le demande.

    L'épouse de Jean-François est peu bavarde, manifestement elle s'ennuie dans ce trou, la fraîcheur relative de la cuisine d'été ne lui convient pas, elle couvre ses épaules dorées d’un châle,  dès la dernière bouchée, elle file dans le jardin s'allonger sur une chaise-longue sous le regard réprobateur de l'hôtesse.

    Je complimente la cuisinière, elle le mérite amplement.

    - Revenez quand vous voulez, ma table vous est ouverte.

     

    Je ne soupçonnais pas l'importance de cette fontaine, du moins de l'ouvrage qui l'entoure, située en contrebas de la rue, l'accès se fait un deux escaliers monumentaux, un de chaque côté.

    - L'escalier de gauche est emprunté par les catholiques pratiquants, celui de droite par les athées, ou le contraire je ne sais plus, tu vois le folklore; mais les vieux disaient que, malgré les divergences d'idées, un seul tuyau déverse l'eau et que l'unité se retrouve à cette source unique.

    C'est d'un grand mur en pierres grossièrement maçonnées  que sort le filet, par un modeste tuyau de plomb, la sécheresse de l'été ne permet pas  un gros débit actuellement, un bassin receuille l'eau qui déborde pour former un petit ruisseau qui s’écoule vers des buissons épais.

    - En dessous, se trouvait un lavoir, il paraît que le linge lavé dans cette eau sentait un goût particulier, les gens des autres villages avaient surnommés les Morignais "pulfers". Ma grand-mère  ne venait jamais laver son linge ici, un autre lavoir situé à plusieurs centaines de mètres avait été construit à la sortie d'une autre source dont l’eau n’avait pas de vertu particulière.

    - Tes grands parents sont décédés?

    - Grand père, il y bien longtemps, j'étais encore lycéen, grand mère vit encore, elle est dans une maison de retraite de la région parisienne, à proximité du domicile de mes parents, je vais lui rapporter quelques litres de cette eau afin qu'elle vive encore longtemps, elle est adorable.

    Adorable mais cloîtrée dans une prison pour vieux, je suis toujours choqué de voir ces personnes enfermées, leur regard nostalgique trahit l'ennui et la déception qu'ils éprouvent; j'avais pris en pleine poire la sentence d'un pensionnaire déclamant: maudit soit la civilisation qui bannit les anciens et pourrit les jeunes.

    Je trempe mes lèvres dans cette eau pas vraiment claire, même légèrement trouble, un peu jaunâtre, elle a un goût neutre au départ, comme n’importe quelle eau, puis laisse une certaine amertume impossible à définir.

    - L’ancien terrain de madame Parely se trouve au-dessus, derrière les broussailles et occupe tout le versant, il reste quelques vestiges  d’une ancienne usine travaillant le fer jusqu’au début de ce siècle mais également les ruines d’une brasserie abandonnée depuis plus longtemps,  l’eau utilisée était celle de la source, une bonne façon pour les non buveurs de flotte de bénéficier tout de même de ses bienfaits.

    Nous étions remontés sur la route, de l’autre côté un enchevêtrement d’arbustes précède un bosquet de saules.

    - Les nouveaux propriétaires peuvent ainsi capter la source en amont avant qu’elle arrive au tuyau.

    Nous quittons les lieux, gravissons une côte et arrivons à la sortie du village, l'église modeste dépasse à peine les autres constructions, Jean-François me désigne un grand mur de pierres sèches.

    - Derrière cette clôture, c’est l'ancienne maison du colonel.

    Je ne reconnais pas vraiment les lieux, ce mur ressemble à beaucoup d'autres.

    - Je crois qu'elle est en vente, c'était le presbytère, avant la guerre 40 il y avait encore un curé, tu n'as pas envie de l'acheter?

    D'une part, je n'ai aucune intention d'investir dans une bicoque située dans un coin perdu, d'autre part, je viens d'acheter mon habitation.

     Nous visitons la fermette que Jean-François s’efforce de réhabiliter, un gros travail et je lui souhaite bien du plaisir,  je doute fort que sa brune compagne accepte de s'enfermer dans ce vestige.

    - Tu as vu le fronton au-dessus de la porte, et la date gravée?

    Oui, plus de cent cinquante ans la bicoque, elle fait son âge.... Je connais une dame qui s'extasierait devant l'ancienne, Martine, ma compagne, aime les vieilles pierres, ses origines Bretonnes sans doute.

    - Des chances de te revoir ?

    Je réserve ma réponse et quitte Morigny non sans répondre aux gestes d'au revoir de Simone, de son neveu, de la mère Gaston et... d'un vieux voisin sorti de je ne sais où. 

    ……………


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