• L'orage providentiel

    L’Orage providentiel 

    Sébastien avait peur des orages, surtout quand il était en vacances chez son oncle Adrien. Il faut dire que chez lui, en ville, les orages passaient presque inaperçus, quelques coups de tonnerre lointains, des éclairs à peine plus lumineux que l’éclairage des rues, et puis, bien à l’abri dans l’appartement, il n’y avait aucun risque. A Saint-Jean, c’était différent, les gros nuages noirs annonciateurs d’orage montaient de l’horizon, cachaient le ciel comme une grosse couverture. Les éclairs zigzaguaient dans tous les sens, les roulements du tonnerre grondaient de plus en plus fort, les oiseaux se cachaient, le feuillage des arbres était agité d’un tremblement nerveux.

    - Rentrons avant de recevoir une saucée.

    Sébastien aidait son oncle à ramasser les pommes de terre, des tubercules terreux de toutes les formes et de toutes les grosseurs.

    - Au supermarché, elles sont bien propres et presque toutes pareilles, pourquoi tu cultives toi même.

    - Tais-toi gamin, des patates préfabriquées, poussées en engrais, pas de goût et de quoi attraper des maladies.

    Le jardin était proche de la maison, il fallait traverser le verger où dominait un énorme noyer.

    - Ne passe pas sous les arbres, la foudre tombe toujours sur les arbres.

    La recommandation de l’oncle était inutile, Sébastien rasait le mur de pierres sèches évitant surtout le noyer. Tout de même, depuis trois jours, chaque fois qu’il passait à cet endroit, il regardait vers le sommet de l’arbre, là où une tache rouge et jaune était accrochée.

    - Ca t’embête hein, tu aimerais récupérer ton cerf-volant, c’est de ta faute, je t’avais pourtant dit de le faire voler à découvert.

    L’échelle de l’oncle Adrien était bien trop courte pour atteindre le magnifique objet en forme de papillon que ses parents lui avaient acheté avant qu’ils partent pour les îles grecques.

    - Même l’échelle de nos pompiers ne pourrait arriver au sommet, il faudrait faire venir la grande échelle de Nanteuil, mais les déplacer pour ça...

     

    - Je crois que ça va tomber, regardez comme c’est noir, il faudrait presque allumer la lumière.

    Tante Madeleine attendait les hommes sur le pas de la porte.

    - Enlevez vos chaussures avant d’entrer dans le couloir, je viens de cirer le sol, il faut toujours répéter la même chose avec les hommes.

    Les coups de tonnerre se rapprochaient.

    - Le père Bon Dieu joue aux quilles avec les anges...je vais fermer les volets de devant,  si jamais il tombe des grêlons aussi gros que l’année dernière, ils vont casser les vitres.

    Sébastien aurait aimé se cacher dans un trou de souris, les premières gouttes de pluie tombaient, les éclairs devenaient de plus en plus fréquents et lumineux, le vent se levait.

    - On va en avoir, c’est certain.

     

    Pendant une éternité, les éclairs et les claquements secs s’enchaînaient, le vent sifflait dans la cour, une sarabande infernale, le garçon se bouchait les oreilles, fermait les yeux mais la peur n’évite pas le danger.

     

    Enfin, le vacarme diminuait d’intensité, l’orage s’éloignait.

    - On  va s’en retourner aux patates.

    - Arrête de dire des bêtises Adrien, ça doit être bien trempé.

    - Je n’aurais pas besoin d’arroser les salades...mais j’y pense, j’ai laissé ma veste sur un piquet, Sébastien, tu veux aller me la chercher, j’ai un mal de chien à enfiler mes bottes et surtout à les retirer.

    Plus aucun danger, Sébastien n’hésitait pas, pour rendre service à son oncle.

     

    L’herbe du verger était trempée, heureusement  elle n’était pas haute... Mais, cette branche par terre, et cette tache jaune et rouge... le vent avait cassé une branche du noyer, celle où était accroché le papillon de toile, un miracle.

    - Oncle Adrien, viens voir, mon cerf-volant.

    L’oncle enfilait ses bottes et rejoignait Sébastien, le spectacle en valait la peine ; armé d’un sécateur, il dégageait l’objet de sa prison.

    - Tu vois rien n’est jamais négatif dans la vie, sans cet orage providentiel, ton cerf-volant aurait dépéri dans l’arbre, il aurait fait une triste guirlande à Noël.

     

     


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  • Commentaires

    1
    Mercredi 29 Juin 2011 à 10:19

    Voilà pourquoi il faut toujours croire à sa chance!

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