• Le voleur de poules

     

    Maurice Henriot était furieux, une poule manquait à l’appel ce matin, et parmi les meilleures pondeuses. Depuis le début de l’année, c’était la troisième.

    -J’ai pourtant mis deux pièges à renard et je ferme le poulailler chaque soir, c’est un rusé celui-là.

    Lors de la première disparition, des roulottes de camps-volants s’étaient installées à la sortie du village, Maurice avait soupçonné ces voyageurs mais les fois suivantes ils n’étaient pas là.

    -Si ce n’est pas un renard, qui ça peut bien être, tout le monde a des poules ici.

    Monter la garde chaque nuit était hors de question, pendant plusieurs jours, le volé cogitait.

    -Je vais mettre de la suie sur la poignée de la porte, dès que je constate un nouveau vol, je vais rendre visite à mes voisins, celui qui aura la main noire sera le coupable.

    Chaque matin, Maurice prenait soin, en ouvrant la porte du poulailler de prendre la poignée par le bout. Pendant une vingtaine de jours toutes les poules répondaient présentes jusqu’à aujourd’hui.

    -La belle blanche manque, il sait choisir ses proies ce vandale, c’était la meilleure.

    Maurice commençait par rendre visite à Auguste, ce voisin lui semblait capable de commettre un méfait, il avait des antécédents, pris la main dans le sac… de blé de Gustave le fermier.

    Auguste n’avait pas la main vraiment blanche mais se lavait-il souvent ?

    C’est au bout de la rue qu’il découvrait son voleur, Bastien un retraité de la gendarmerie, c’était bien le dernier qu’il soupçonnait, d’ailleurs il trouvait inutile de lui rendre visite tellement il avait confiance.

    -Je ne te donne pas la main, tu vois…

    -Oui, je vois…

    -Je suis en train de nettoyer les tuyaux du fourneau.

    Fausse piste, en effet, les deux mains étaient noires, et même le bout du nez de l’ancien gendarme.

    Une idée germait dans la tête de Maurice, en parlant de tuyaux, ce voisin pourrait lui en donner sur son affaire, lui qui a traqué les voleurs pendant des années.

    -Tu es certain que ce n’est pas un renard, ou une belette ?

    -J’ai mis des pièges et la porte reste fermée la nuit.

    Le volé n’osait parler de la suie sur la poignée.

    Je termine mon sale travail et je viens te voir.

    Maurice se dépêchait d’essuyer les traces noires sur la poignée.

    -Bizarre, c’est quelqu’un qui connait bien le lieu, il est obligé d’entrer dans la grange, un proche, tu ne vois personne dans ton entourage ?

    -Non.

    Louise, la femme de Maurice n’avait pas l’air contente.

    -C’est toi qui viens de te laver les mains sur l’évier, tu aurais pu enlever les traces noires ?

    Maurice remerciait Bastien.

    -Merci du conseil, je crois savoir qui est le coupable.

    Jean-Louis le gamin de Maurice et de Louise était bien le voleur, il avait trouvé un moyen de se faire de l’argent de poche, une bonne poule se vendait facilement et son voisin Auguste était acheteur.


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  • Comme je passe à proximité de l’hôpital, je vais en profiter pour rendre visite à Hans, il devrait regagner sa cabane avant fin de la semaine.

    -Je commence à en avoir marre, les infirmières sont gentilles, mais entre ces quatre murs et dans ce lit blanc, je suis comme dans un cercueil.

    -J’ai appris que tu avais un chien.

    -Oui, depuis trois semaines, une pauvre bête perdue, il m’a tout de suite adopté, Vincent Vernat est venu me voir, c’est lui qui le garde en attendant mon retour, un chic type ce Vincent, pas comme ses cousins.

    -Ton visiteur qui ressemble au père Mazard, il était venu comment ?

    -Pas en voiture, je n’ai pas entendu de bruit de moteur, tu sais ça résonne dans la côte, alors tu me crois ?

    Je parle de la visite de la maison des Mazard, de la certitude qu’un homme y a séjourné.

    -Tu vois, je ne suis pas fou, c’est Marcel ou Gabriel, un revenant.

    -Tu te souviens de Margot, elle avait des amoureux ?

    -Possible, elle était mignonne, elle me plaisait aussi mais…

    -Mais tu avais une maîtresse, j’ai même entendu dire que c’était sa patronne, madame Vernat.

    -Vous dans les journaux, vous avez des grandes oreilles, le neveu de Fernande aussi courait après Margot, et puis d’autres.

    Je sors la photo de mon portefeuille.

    -Celui-ci, tu le connais ?

    -Attends-voir, non, peut-être bien le neveu de Fernande, je ne suis pas sûr, c’est tellement loin tout ça !

    J’examine à nouveau la dédicace, il me semble reconnaître un V majuscule.

    -Son prénom, tu te souviens ?

    -Maurice je crois…un V tu dis, c’est peut-être Vincent Vernat, ils avaient le même âge…oui je crois reconnaître les yeux, tu l’as déjà vu ?

    -Je n’ai jamais eu l’occasion de le rencontrer, ses cousins oui, quand il y a un vol, j’ai affaire à eux.

    -Si tu as le temps, va voir Mozart, dis-lui que je vais bientôt revenir.

    -Mozart ! Tu as appelé ton chien Mozart !

    -Et alors, c’est pas un beau nom!... Comme ça tu verras Vincent.

     

    -Comment, vous êtes déjà au courant ?

    Je venais de pénétrer dans la cour de la scierie Vernat, Louis, l’un des patrons venait vers moi.

    -Au courant de quoi ?

    -D’un vol cette nuit, des jerricans d’essence, quatre.

    -Vous avez de l’essence en bidons ?

    -Pour les tronçonneuses, quand nous allons en forêt, j’allais appeler les gendarmes.

    -Vous croyez que la gendarmerie va se déplacer pour quelques litres d’essence ?

    -Vous êtes marrant vous, depuis le début de l’année, deux tronçonneuses, des pneus, toujours les mêmes loustics.

    Un autre homme sort du bureau, ce doit être Vincent.

    -Monsieur a raison Louis, on ne va pas déranger les gendarmes une fois de plus, ils ont d’autres chats à fouetter en ce moment.

    C’est en effet Vincent et je lui demande des nouvelles du chien de Hans.

    -Vous êtes Laurent Passy, le charbonnier m’a parlé de vous, il va bien Mozart, on a eu droit à un concert cette nuit, il a entendu les voleurs lui, nos autres chiens n’ont pas aboyé, venez, il est derrière dans un enclos, je n’ai pas voulu l’attacher, chez Hans il était libre.

    Je m’attendais à voir une sorte de berger allemand ou un bouledogue, c’est un bâtard tirant sur le setter, il a une bonne tête et, à mon approche, il gambade et remue la queue.

    -Mon petit-fils l’a déjà adopté, quand il retrouvera son maître, il pourra lui rendre visite, ce n’est pas loin.

    J’essaye de deviner le jeune homme de la photo sur le visage de Vincent qui doit avoir dans les soixante ans, le regard clair est ressemblant.

    Je brûle de lui montrer la photo, je vais préparer le terrain avant, je lui parle de la visite de la PJ et de la gendarmerie dans la maison de Champbourg.

    -J’ai lu votre compte-rendu dans la Gazette, vous avez réveillé bien des souvenirs.

    Vincent a les yeux fixés vers la forêt, silencieux.

    -Oui, bien des souvenirs…

    -Je comprends, vous connaissiez bien la famille.

    J’avais dix-sept ans en 44, Bouboule s’occupait de la chaudière, c’est tout ce qu’il était capable de faire le brave garçon, mais le faisait bien, il était consciencieux.

    -Et Margot ?

    Un nouveau silence, j’en profite pour sortir la photo.

    -Vous allez m’en vouloir, voilà ce que j’ai découvert dans la maison de Champbourg.

    Vincent regarde la photo sans réagir, il est comme tétanisé, il la retourne.

    -Pourquoi vous en voudrais-je ?... Je n’imaginais pas qu’elle l’avait conservée, je me demandais même si elle l’avait trouvée, je l’avais glissée dans la poche de son manteau accroché dans l’entrée, j’étais encore un gamin, c’était déjà une femme, je la trouvais jolie et gentille, c’est ce que j’avais écris au dos, elle n’avait eu aucune réaction, j’étais déçu, et puis quelques jours plus tard…

    -Le jour de la rafle, elle était en jour de congé ?

    -Oui et non, elle avait demandé sa journée car sa mère était souffrante, sinon, elle aurait été épargnée…C’est affreux.

    Nous revenons dans la cour.

    -J’étais militaire en Allemagne, en 47 et je suis allé visiter un camp nazi, il était resté en l’état, l'odeur de la mort flottait encore dans ce lieu maudit…J’ai pensé aux souffrances endurées par Margot,  par ses parents, par ses frères…et vous pensez que l'un de ses frères a survécu, qu’il est revenu ici ?

     


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    Les poires

    A part les poiriers donnant des pommes à cidre, ces arbres sont souvent dans les jardins, proches des maisons ou en espalier. Je me souvenais, du temps de ma jeunesse, des poiriers aux fruits fondants et juteux, un délice. Il y avait aussi des poires à conserver, à déguster l’hiver, elles étaient soigneusement rangées dans le cellier et servait de dessert le dimanche.

    Pour retrouver ces souvenirs, j’ai planté deux poiriers contre un mur sud de notre maison, un avec des poires fondantes et l’autre des poires à conserver. Pendant les cinq premières années, les récoltes ont été maigres, parfois trois ou quatre par arbre. Les fondantes étaient grignotées par les guêpes et les autres devenaient molles en vieillissant. Cette année, c’est exceptionnel, j’ai compté 80 fondantes que nous avons commencé à manger depuis une dizaine de jours, de beaux calibres et elles sont épargnées par les guêpes. Sur l’autre, plus petit, une quarantaine, le problème, je ne sais pas comment je vais les conserver, nous n’avons pas de cave et le sous-sol n’est pas très frais ! 

     

     


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  • J’attendais l’invitation de la PJ, Olivier m’appelait le lundi après-midi.

    -Je sais, c’est un peu à la dernière minute mais il me fallait l’accord de mes supérieurs pour accepter ta présence, tu peux venir avec ton photographe, demain mardi 8 heures, rendez-vous devant la masure.

    -Du nouveau concernant le crime de Montlieu ?

    -La presse aurait été avertie, non, deux pistes, celle de ton zombie d’où la perquisition à Champbourg et celle de trafiquants d’armes anciennes, je suppose que tu préférerais la seconde ?

    C’est évident, si ce revenant est un fils Mazard, pour quelles raisons aurait-il supprimé Simon Chauby ?

     

    En passant devant la ferme Perret, j’aperçois Roger, il me fait un signe de la main, je m’arrête.

    -Je n’ai pas le courage d’accompagner les policiers pour la visite, mes administrés sont prévenus, vous n’aurez aucun curieux, chacune, chacun va rester chez soi, personne n’a jamais osé pénétrer dans cette maison, même les gosses s’en écartent, je ne crois pas trop aux lumières qui soi-disant dansent la nuit derrière les fenêtres, je vais à la mairie, l’inspecteur Mansuy doit m’y rejoindre à l’issue de la perquisition.

     

    -On a failli annuler cette opération, le coupeur de têtes de Montlieu, cravaté cette nuit à une cinquantaine de bornes d’ici, un dingue féru d’armes anciennes, il a avoué, il voulait acheter un fusil de valeur à Chauby qui a refusé, il a trouvé un moyen de s’emparer,  enfin c’est sa version.

    Cette nouvelle me rassure.

    -Reste tout de même l’incendie, l’œuvre d’un autre individu, et puis il faut rassurer les gens du bled, les histoires de lumière dans la nuit les traumatisent.

    La porte d’entrée résiste, nous pénétrons par une remise qui communique avec la cuisine, en fait la pièce principale éclairée par deux fenêtres sans carreau, une odeur désagréable flotte dans cet endroit et nous pique les narines, tout de suite nous constatons qu’elle a été occupée il y a peu de temps, plusieurs sacs poubelle sont remplis de linge et de vêtements moisis, de papiers jaunis.

    Sur une grande table vermoulue trainent des miettes de pain, des peaux de saucisson et plusieurs journaux.

    -Laurent, un lecteur de la Gazette.

    Les journaux sont récents, je les feuillette et, comme je le supposais, ce sont ceux qui relatent les faits-divers, l’incendie du hangar, la sonnerie de cloches, mais également les articles concernant l’assassinat de Simon Chauby.

    Un verre et un couteau sont posés sur l’évier en pierre, dans un coin de la pièce, un sac de couchage neuf.

    -Les gens du bled n’ont pas rêvé, cette masure a bien été squattée.

    Sur un buffet bas, quelques cadres supportant des photos, difficile de voir ce qu’elles représentent même en essuyant la poussière, mais sur l’un des clichés, je devine quatre enfants, une fille et trois garçons.

    Ce décor est oppressant, nous parlons presqu’à voix basse, l’impression de violer un sanctuaire.

    Un gendarme doit forcer une porte afin de visiter les autres pièces.

    Nous sommes dans une chambre, avec un grand lit de bois au matelas en décomposition, une armoire ouverte et vide, son contenu doit être dans les sacs en plastique.

    Une autre pièce attenante comprend trois lit à ossature fer, sans doute la chambre des garçons, une autre porte n’offre qu’une faible résistance et j’entre dans une petite pièce, la chambre de la jeune fille je suppose. Un seul lit en fer, rongé par la rouille, la literie est en charpie, les souris et les rats doivent hanter cet endroit lugubre.

    Un rayon de soleil entre par une petite fenêtre haute et éclaire une partie du lit, là où se trouvait l’oreiller, je pense à Margot, victime innocente de la barbarie nazie à l’aube de sa vie de femme.

    J’hésite à ouvrir le tiroir de la table de nuit, je découvre un porte-cartes, les feuillets sont collés, je détache délicatement plusieurs photos, dont celle d’un jeune homme, un amoureux probablement, au dos les traces d’une écriture, je glisse cette photo dans ma poche dans un réflexe inexplicable.

    Le tour de la maison est terminé, nous sortons en silence, quelques gendarmes étaient en faction mais ils n’ont pas eu besoin de canaliser les curieux, Roger avait raison, pas une âme qui vive dans la rue, et pourtant il fait un temps superbe.     

    Benoît est ému, comme nous le sommes tous, il n’a pris que quelques photos.   

     

    -Vous allez à la mairie, je peux vous accompagner, j’aimerais parler à Roger Pierret ?

    -Je n’y vois pas d’inconvénient Laurent, je vais déjà l’informer que son harceleur n’est pas l’assassin de Chauby, je pense que cette nouvelle va lui plaire aussi.

    Effectivement le maire de Champbourg est soulagé.

    -Reste à savoir comment va réagir celui qui a occupé la maison en constatant qu’elle a été visitée, je me demande, et qui est-il ? Celui qui nous empoisonne, sans aucun doute.

    Mansuy rassure :

    -Les gendarmes vont exercer une surveillance, faire des rondes régulières, cette affaire n’est plus de notre ressort.

    L’adjudant Quentin confirme.

    Je choisis ce moment pour parler de Hans, de son choc en croyant reconnaître monsieur Mazard.

    -Le retour d’un des fils devient probable, mais pourquoi se cache-t-il ?

     

    Avant d’aller au bureau, je passe à la maison, mes vêtements sont imprégnés d’une mauvaise odeur, je suis obligé d’ouvrir les vitres de la voiture.

    -En effet, tu sens mauvais, prend une douche et change-toi.

    Martine est comme moi, elle est sensible aux odeurs, c’est un bienfait car elle utilise un parfum discret et souvent me demande mon avis à partir d’échantillons.

     


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  • Ce blog vient d’atteindre les 10 000 visites depuis sa création le 2 janvier 2011. Un chiffre relativement important pour ce genre de blog et je vous remercie, lectrices et lecteurs de votre fidélité. Je pensais qu’au fil du temps, l’intérêt allait régresser mais le chiffre de visites quotidiennes se maintient. Un seul petit regret, le peu de commentaires, j’aurais aimé lire votre opinion sur les sujets diffusés, en particulier concernant les romans.


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