• Seigneulles (J’ai treize ans)

    En 1948 j’ai treize ans, mes parents veulent absolument que je reste à Aubréville pendant les  grandes vacances. Ils ont des arguments, je ne suis plus un gamin et je peux les aider à la ferme. Une décision insupportable car je me faisais une joie de retrouver Seigneulles. Je n’ai qu’un moyen pour les faire fléchir, je fais la « tête », si bien qu’ils finissent pas céder, c’est moi-même qui écrit la lettre à mes Grands-parents pour leur annoncer la bonne nouvelle, ils répondent rapidement, écrivant qu’ils sont heureux de me revoir.

    J’ai une idée, cette fois je vais faire le voyage à vélo, depuis mes 12 douze ans, j’ai un vélo de marque Terrot avec dérailleur et j’ai déjà fait des balades de vingt kilomètres, ce n’est jamais que le double.

    Mon père serait d’accord, ma mère n’est pas très enthousiasme.

    -Et s’il y a un orage !

    J’espère que d’ici le 14 juillet, elle acceptera.


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  • Seigneulles (le mariage)

    Une occasion supplémentaire de venir à Seigneulles se présente avec le mariage de ma cousine Germaine (et germaine). Elle épouse Henri, le frère d’André et mari d’Andrée, sa grande sœur. J’ai douze ans, un costume tout neuf, j’ai même une cavalière. Nous allons en cortège de la mairie à l’église, ensuite de l’église à la maison de l’oncle Germain, les invités sont nombreux. Le repas se déroule dans la grange, quelques guirlandes décorent ce lieu insolite, le repas est copieux et il n’en finit pas. Ma cavalière est un peu plus âgée que moi, je la trouve jolie mais, au repas, la demoiselle de la ville se plaint d’avoir un courant d’air dans le dos, elle échange sa place contre celle d’une autre fille. Je suis déçu, ma déception ne dure pas longtemps, la fille déplacée a mon âge, elle est charmante, je n’ai pas perdu au change !

    Nous avions fait le voyage en carriole, mon père avait une petite jument demi-sang de race arabe qui a accompli deux fois les quarante kilomètres sans fatigue, au petit trot bien souvent.


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  • Le départ

    Je dors mal la dernière nuit et c’est avec difficulté que je me lève, je traîne un peu en déjeunant, en faisant ma toilette, et si en prenant du retard, je ratais le car ? Grand-père a déjà attelé le cheval, j’embrasse longuement Grand-père, comme moi, elle a les larmes aux yeux, tante Zoé est là pour me souhaiter un bon retour.

    -En route !

    Je me retourne jusqu’au moment où je ne vois plus Grand-mère au milieu de la route, un dernier coup d’œil à la mairie-école, à son horloge et à son clocheton, la côte est montée lentement, le cheval n’est pas pressé non plus. Tout en haut, je me retourne avant que disparaissent les toits.

    Rosnes, l’attente du car, son arrivée et c’est parti pour le supplice des nombreux arrêts. Grand-père attend que le car démarre, je lui fais un signe de la main…    

     


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  • La veille du départ

    Cette fois l’échéance est arrivée, les vacances sont terminées. J’essaye de me remonter le moral en calculant que dans neuf mois et demi, je serai de retour. Je fais un dernier tour de Seigneulles, m’attarde chez Marraine, puis chez la tante de la rue de Rumont, je passe chez les cousins Bonamy, je vais dire au revoir à quelques voisins,  la grand-tante Zoé sera debout lors de mon départ de bon matin. Je prépare ma petite valise, un sachet avec des gâteaux et des pommes. « Pour le voyage », me dit Grand-mère. Je n’oublie pas d’aller dire au revoir aux lapins, quant au cheval, je lui ferai une caresse sur le museau à Rosnes avant d’embrasser Grand-père et de monter dans le car.


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  • Le mai du bonheur

     

    Dans ce petit village, une tradition perdurait. Durant la nuit du 30 avril au 1er mai, les jeunes hommes plantaient des « mais » sur le toit des maisons où résidait une fille. Il s’agissait de branches prélevées sur les arbres de la proche forêt, de préférence des rameaux de charme. Quelque fois c’était une branche de sapin, mais c’était déshonorant et le père de la fille s’empressait de l’enlever dès le petit matin, l’absence de mai était moins humiliant.

    La tradition voulait que le lendemain, les jeunes soient reçus dans chaque foyer « décoré », pour un café, un verre de cidre ou de vin. Cette année-là, la bande de joyeux lurons avaient, comme d’habitude emprunté quelques échelles laissées volontairement à disposition. « N’abimez pas mes chanlattes surtout, pas comme l’année passée », recommandait  Gaston, le père de Lucie.

    « Si on mettait un mai à Marion ? »

    Drôle d’idée, Marion Leroux venait de dépasser la trentaine, un âge qui n’est plus celui d’une jeune fille.

    « Elle a coiffé Ste Catherine depuis longtemps, pourtant elle est jolie ! »

    Pour s’amuser, l’idée avait été retenue et la bande avait choisi une branche de charme bien touffue.

    Le lendemain, après la tournée habituelle, les garçons s’étaient retrouvés dans la ruelle, face à la maison des Leroux, ils voulaient voir la réaction du père.

    « Il est sorti  acheter son pain, c’est quand  il va revenir qu’il va voir le mai, il va faire une attaque »

    Monsieur Leroux était revenu, il n’avait même pas levé les yeux en l’air, déception de nos gaillards.

     

    « Alors qu’attendez-vous les gars, Marion a préparé du café et j’ai acheté des croissants ! »

    Une courte hésitation puis la bande entrait chez les Leroux.

    Marion les attendait dans la cuisine, elle était rayonnante.

    « Merci les garçons, vous ne pouvez savoir comme votre attention me fait plaisir, je profite de votre présence, je vous invite tous à mon mariage, fin septembre… »

     

     


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